samedi 10 janvier 2009

Une vignette de titre originale de Duflos (1726) pour la Critique de la Charlatanerie.



Vignette de titre identique pour les deux tomes de "Critique de la charlatanerie", 1726-1727.
2 vol. in-12.
Dimensions de la vignette 75 x 65 mm.


Chers amis,
le temps m'est compté aujourd'hui, je vous laisse en compagnie d'une bien jolie vignette de titre gravée à l'eau-forte d'après le dessin de Duflos.

Elle orne le titre des deux volumes in-12 parus à quelques mois d'intervalle qui ont pour titre :

"Critique de la charlatanerie, divisée en plusieurs discours, en forme de panégyriques, faits et prononcés par elle-même. Premier et deuxième discours."

Ouvrage publié à Paris, chez la veuve Mergé, rue St-Jacques, au coq, 1726-1727.


Il s'agit d'une sympathique et curieuse facétie, où la Charlatanerie s'exprime urbi et orbi. On peut lire :

"En faut-il davantage pour me définir ? N'est-il pas vrai qu'à présent, quand vous verrez un Charlatan, une Charlatane (parité oblige...), vous direz, je connais sa mère, je l'ai vue, elle m'a parlé." et plus loin elle s'explique : "Il y a d'autres choses plus précieuses réservées pour vous, mes chers enfants : il vous suffira de savoir, que je fais du bien à tous les Etats, à tous les sexes, et à tous les âges. Je donne aux Grands tous les dehors majestueux, je soutiens le respect qui leur est dû, je les fais paraître bons, sages, et héros, même quand ils ne le sont pas. Cet air vénérable, cette religion, cette sagesse, cette profonde érudition, qui est gravée sur le visage et sur les ajustements des hypocrites, n'est-ce pas là un présent dont ils me sont redevables ? Les Magistrats corruptibles, et ignorants dans la science des loix, comment pourraient-ils s'établir une réputation de juges intègres et habiles, si je ne venais point à leur secours ? Voyez-vous un seul Savant qui ait une grande réputation, à laquelle je n'aie beaucoup contribué ? Qui est le Marchand qui n'ait trouvé du crédit, et qui ne se soit enrichi sous mes auspices ? Qui est-ce qui a appris aux appris aux Artisans le manège et le jargon artificieux, dont ils tirent de si grands avantages, si ce n'est moi Charlatanerie qui vous parle ? Ne croyez pas, mes chers enfants, que je méprise les paysans, le petit Peuple, et même les Gueux. J'apprends, par exemple, aux premiers à décrier l'abondance d'une récolte, et de vendre le blé bien chèrement : aux seconds, de se défendre de l'oppression des Grands et des riches, en leur inspirant la crainte chimérique d'un soulèvement ; et aux derniers, de s'attirer les secours des dévots charitables, en se présentant avec un air moribond, et en faisant l'étalage de plusieurs infirmités qu'ils n'ont pas, promettant des prières qu'ils ne diront jamais, et par tant d'autres fourberies dont les âmes charitables sont les dupes. Mon sexe, c'est à dire, les femmes (la Charlatanerie est une femme... je m'en doutais...), jouissent encore plus abondamment de mes faveurs. Comment pourraient-elles établir l'empire de leur beauté, si je n'aveuglais point les hommes par les charmantes apparences que je leur prête ? Comment pourraient-elles faire tant de conquêtes, si je ne leur enseignais l'art de persuader en particulier à plusieurs galants, qu'elles les aiment et les estiment chacun préférablement à tous les hommes de la terre ? (...)"


Comme on voit, il y en a pour tout le monde. La Charlatanerie semble une déesse bien omnisciente et bien omniprésente, gageons qu'elle doit bien rôder aussi en Bibliophilie et en Bibliomanie, pays que nous explorons ensemble. Tentons de la faire moindre chez nous et débusquons-là chaque fois que nous le pourrons. Cette déesse m'a bien l'air plutôt d'une sorcière que d'une charmante naïade, tordons-lui donc le cou !

Ce livre est savoureux à souhait. Il aurait été écrit par un certain Coquelet d'après les notes manuscrites du catalogue de la bibliothèque de l'abbé Sépher, mais plusieurs bibliographes l'attribuent à François-Denis Camusat, bien qu'il ne figure pas au catalogue des œuvres de cet auteur établi par Jean-François Bernard. Dans l'épître dédicatoire au cardinal de Fleury signée C..., l'auteur se désigne comme étranger, c'est ce qui donne la plus grand probabilité à l'opinion de Gabriel Martin, qui, dans le catalogue de Le Blanc, Paris, 1729, in-8, à l'errata pour la page 109, n°1233, attribue cette "critique" à Milord Carle. Cf. Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, I, 821-822 qui ne cite pas le second volume paru l'année suivante et donnant un deuxième discours.

Bonne journée,
Bertrand

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