lundi 30 novembre 2009

Le 17e salon du livre ancien de Saint-Germain-en-Laye du 27 au 29 novembre 2009. Vision rétrospective.




Voilà bien un curieux titre de billet qui veut nous parler d'un salon du livre ancien qui est terminé depuis hier ! Et pourtant, c'est bien un billet rétrospectif que je vous propose. Billet dont vous êtes les héros !

En effet, pour des raisons personnelles, je n'ai malheureusement pas pu me déplacer ce weekend pour aller à St-Germain-en-Laye, au manège royal, admirer les beaux livres que les libraires avaient sélectionné pour vous.

Je vous propose donc de nous faire partager, à tous ici, vos impressions sur ce salon auquel, vous, veinards de bibliophiles, vous avez pu participer. Que vous soyez libraire, bibliophile, amateur éclairé ou simplement néophyte, que vous ayez découvert ce salon cette année ou bien que vous vous y étiez déjà rendu les années précédentes, donnez-vous votre avis.

J'aimerais savoir vos trouvailles, vos surprises, vos enthousiasmes, vos déceptions aussi, vos joies et vos tristesses concernant ce salon du livre ancien, un des rares subsistant en France d'un très bon niveau à ce que j'avais pu constater l'an passé.

Si de ce salon vous ne deviez retenir qu'un seul livre (que vous l'ayez acheté ou non), lequel serait-ce ?

A vos plumes donc !

En attendant de vous retrouver ce soir pour les statistiques mensuelles présentées dans le prochain billet. Vous verrez que le Bibliomane moderne devient une valeur sûre (on envisage même de le revendre avec profit à quelque golden boy patenté en mal de transactions fructueuses et rapides ...)

Bonne journée,
Bertrand

samedi 28 novembre 2009

le Dominicae precationis explanatio d'Etienne Dolet (1541).




Cher amis du Biblimomane moderne,

Suite à votre information sur l’exposition et le colloque consacrés à Étienne Dolet, voici quelques images d’un petit livre sorti de ses presses. Il s’agit de la Dominicae precationis explanatio. Cum quibusdam aliis, quae sequens indicabit pagella, publié en 1541, format in-16 (hauteur des feuillets : 102 mm), 200 pages non paginées, reliure moderne avec remploi d’éléments anciens. La page de titre est légèrement endommagée sur son bord interne, avec perte du mot Cum du sous-titre. Mais la marque est entière, de même que celle de la fin du volume. La première porte la devise SCABRA DOLO, littéralement : « je polis à l’aide de la doloire ». Cet outil, encore appelé « dolabre », est une « hache de tonnelier qui sert pour aplanir le bois et tailler les cerceaux » (Littré). Ce qui intéressait Dolet est bien sûr le nom de l’outil, du verbe latin dolo, dolare « dégrossir, façonner », mais aussi « polir un ouvrage littéraire » (Cicéron), dans lequel il pensait retrouver son patronyme. Trois textes de ce volume sont du dominicain Jérôme Savonarole (1452-1498), dont le supplice préfigure tragiquement celui de Dolet. J’avoue ne pas avoir déchiffré les inscriptions manuscrites, à la fin du volume.






Amitiés,
Yves

vendredi 27 novembre 2009

Ces bibliophiles mystérieux qui nous laissent leurs initiales !


Je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre ces deux photos pour identification de l'ex libris qu'elles contiennent. Ce bibliophile mystérieux, qui a laissé en 1875 ou très peu de temps après, d'une plume légère et microscopique, à l'encre violette délicate, cet ex libris initialitique agrémenté d'une cote de bibliothèque pour ces deux volumes "H133" et "H134", deux volumes de l'éminent Victor, Victor Hugo je veux dire.

Ex libris discret, énigmatique, d'un bibliophile qui avait sans aucun doute du goût pour les beaux livres puisqu'il appose sa griffe sur deux rares tirages sur papier de Hollande numérotés (brochés, à toutes marges, avec les couvertures saumon intactes).




Ce mystérieux "Ex libris J. et L. C.", saura-t-on jamais qui c'était ?

Si le "H" de la cote "H133" et "H134" veut dire Hugo ! Alors si cet amateur possédait plus de 130 éditions originales du maître de la rime et du verbe ! Alors il doit bien avoir sa place au Panthéon des bibliophiles exlibrisés ! Non ?

A vous de jouer,
Bonne soirée,
Bertrand

Qu'est-ce qu'un livre ? Par Roger Chartier, cours du Collège de France.


Je vous laisse en compagnie de Roger Chartier qui donne de très intéressants cours au Collège de France sur le thème : Écrit et cultures dans l'Europe moderne. Qu'est-ce qu'un livre ?


Cliquez sur l'image ci-dessous pour aller sur le site et lire les vidéos.


Merci à Mélodie, fidèle lectrice du Bibliomane moderne qui m'a indiqué ce lien.

Bonne journée,
Bertrand

jeudi 26 novembre 2009

Actuellement sur vos écrans : Etienne Dolet s'expose à la BM de Lyon.




ÉTIENNE DOLET
L'encre et le feu

Exposition du 12 novembre au 02 janvier 2010 à la bibliothèque de la Part-Dieu.

A l’occasion du 500e anniversaire de la naissance d’Etienne Dolet, la Bibliothèque municipale de Lyon organise une exposition en hommage à cette figure importante de l’édition lyonnaise.

Pour faire suite à l'information que nous avait transmise l'ami Léo sur son blog Bibliomab, cliquez sur l'image ci-dessus pour suivre les pas d'Etienne Dolet, imprimeur, poète, polémiste et bien des choses encore.

Bonne balade,
Bertrand

Facétie de bibliomane moderne : des ex libris sur mesure.


Il y a quelques temps, quelqu'un me demandait si j'avais un ex libris. Je n'avais pas répondu. Tout simplement parce que je continuais à réfléchir à cette question qui me pose toujours un sérieux problème.

Je crois bien que je n'aurai jamais un ex libris, cela irait trop à l'encontre de ce que je crois, à savoir qu'ici bas, rien n'appartient jamais vraiment à personne et que là-haut, si l'on admet l'existence d'un ailleurs, avoir son ex libris me semblerait bien futile. Donc, point d'ex libris.

Par contre, je trouve cela assez joli pour les autres et me suis déjà amusé à en essayer quelques uns. Ce qui est amusant, c'est que justement, le message du jour de notre ami Xavier a réveillé en moi ces désirs créatifs ou plutôt imitatifs, ce serait plus juste. Comme je n'ai aucun talent d'artiste, je m'amuse souvent à détourner les dessins des autres.

Voyez ce que je me suis amusé à faire aujourd'hui avec la vignette pour les sonnets du docteur Camuset.


Et vous ? Vous êtes-vous déjà amusé à faire votre ex libris ?

J'ai l'immense privilège d'avoir pu admirer la collection des ex libris du vicomte Kouyakov. Un régal ! Il n'en n'a pas un ! Il n'en a pas trois ! Il n'en n'a pas dix ! Il en a peut-être mille !! De mon côté, je crois bien que je serais comme lui, je crois que j'aimerais avoir un ex libris différent pour chacun de mes ouvrages, car chacun de mes ouvrages a une histoire unique que j'aimerais savoir retracée dans une petite vignette agrémentée d'un dessin spirituel et d'une légende toujours adéquat, donc forcément différente à chaque fois. Je vais donc y réfléchir...


Notez bien que grâce à l'outil informatique on peut obtenir à peu près ce que l'on veut, aussi bien dans les couleurs que dans les effets spéciaux... Alors certains diront que c'est tout sauf un ex libris, tout sauf un travail d'artiste, et ils auront bien raison ! D'autres encore diront que je n'ai vraiment que ça à faire, et ils n'auront pas tout à fait tort !

Bonne soirée,
Bertrand

Les sonnets du Docteur Camuset.


Le livre que je choisis de vous présenter, n’est pas un ouvrage rare ; vous en trouverez beaucoup sur internet. Il est devenu un classique de la littérature médicale, spirituelle et gaillarde !


Ce n’est pas le seul ouvrage du « bon » Docteur, il écrivit aussi un Manuel d'Ophtalmologie (chez Masson, 1877) et un Mémoire sur la Vaseline (Société de médecine, 1877) qu'il fut le premier à utiliser en France ! (http://www.poesie-erotique.net/GeorgesCamuset.html).

Il naît en 1840 à Lons-le-Saunier (décède peu de temps avant 1888, d’après Vicaire), et devient un spécialiste oculiste. Il voyage, entre autre en Angleterre ; ou il rencontre Gustave Doré.

On le retrouve à Dijon, ou sa première édition des Sonnets paraît anonymement en 1884 chez Darantière.

Il s’agit ici de la deuxième édition, elle date de 1888 ; elle est aussi imprimée chez Darantière.
Elle est illustrée de deux eaux-fortes, une de G. Clairin et une originale de Félicien Rops (2), un fac-similé de lettre de Charles Monselet (3) accompagne l’ouvrage.

Dans cette édition, il a été ajouté 8 sonnets qui ne figurent pas dans l’édition originale.


J’ai relevé dans Rouir (4) quelques informations concernant l’eau forte de Rops : cinq états nous sont connus (chacune avec des variantes). C’est le cinquième état qui est choisi pour illustrer cet ouvrage.

L’eau forte date de 1884 ; le cuivre a servi pour d’autres œuvres : en petite affiche pour les Rimes de joie de Théodore Hanon et en menu pour la crémaillère de Doucé (qui n’a jamais été pendue !).

Je ne résiste pas à vous présenter quelques sonnets, sur les 36 de cet ouvrage.

L’auscultation

Comment ! C’est toi, belle Margot ?
« Mais oui, m’sieu Paul, et j’mépouvante.
« Quel malheur pour un’ pauv’ servante !
« Mais quoi qu’j’ai donc ben dans l’jabot ?

« Pourvu qu’ça s’rait pas quéqu’ pierrot !
« Ça m’porte au cœur, ça m’grouill’ dans l’vent’e !
« Pas comm’vous, moi ; j’suis pas savante.
« P’t-êt’ ben qu’vous m’en direz l’fin mot. »

«…Là donc ! Baisse encor ta chemise !... »
Complaisamment l’oreille est mise
Sur deux seins plus durs qu’inhumains ;

Et, dans des geste téméraires,
L’Etudiant à pleines mains
Palpe ses premiers honoraires.

Préservatifs
(Millant frère du gros Millant, philantrope bien connu dans le quartier du Palais-Royal)

Près d’un « objet charmant »
Lorsque l’amour m’appelle,
Avant de voir la belle
Je passe chez Millant.

Là, du petit au grand,
Flotte une ribambelle
De rubans qu’avec zéle
Il gonfle en y soufflant.

Enfin ! J’ai ma mesure !
Au sein de la luxure,
Vite, allons nous plonger.

Caché dans la baudruche,
Je veux, comme l’autruche,
Ne plus croire au danger.

La calvitie
(Le professeur Charles Robin, membre de l’Institut, etc.)

Coiffeur ! Tu me trompais quand par tes artifices
Tu disais raffermir mes cheveux défaillants.
Ceux qu’avaient épargnés tes fers aux mors brûlants,
Tu les assassinais d’eaux régénaratrices !

Tu m’as causé, coiffeur, de si grands préjudices
Que je te voudrais voir, ayant perdu le sens,
Sur toi-même épuiser tes drogues corruptrices
Et tourner contre toi tes engins malfaisans.

Ainsi, quand l’ouragan s’abat sur la futaie,
D’un souffle destructeur il arrache et balaie
La verte frondaison qui jonche le chemin.

Au bocage pareil, mon front est sans mystère.
Il ne me reste plus un cheveu sur la terre,
Et je gémis, songeant au crâne de Robin !



(1) 1884, 1888 et 1893 ; Référence pour l’EO : Vicaire II-39 (selon l’imprimeur, l’ouvrage a été édité à 900 exemplaires, la justification du tirage indique 500 exemplaires.) ; Talvart et Place II-287
(2) Rouir 492.5 « eau-forte et pointe sèche « ; Exsteens 502.5
(3) Charles Monselet (1825-1888) était un journaliste culinaire.
(4) Eugène Rouir-Félicien Rops, catalogue raisonné de l’œuvre gravé et lithographié, 3 volumes chez Van Loock, 1992, et un supplément paru en 1999 (que je cherche en vain…)

Bonne journée,
Xavier

mercredi 25 novembre 2009

Le livre ancien par l'image : une reliure en maroquin rouge typique des années 1750-1770


Continuons notre voyage à travers les styles de décors des reliures anciennes. Nous resterons pour aujourd'hui, dans la même période que celle étudiée dans le billet d'hier (reliure en veau sur une édition de 1762).

Il s'agit aujourd'hui d'une série en quatre volumes, admirablement reliée en plein maroquin rouge, dos lisses, décors aux petits fers, filets, roulettes, pièces de titre et de tomaison de maroquin vert sombre, triple filet doré en encadrement des plats avec fleuret dorée dans les angles, tranches dorées, papier marbré peigne large, roulette dorée en encadrement intérieur des plats.


Cliquez sur les images pour les agrandir.


Maroquin rouge, dos lisses, riche décor aux dos, fleurettes, filets et roulettes dorés, le tout recouvrant l'intégralité du dos (décor très chargé mais à la fois très décoratif). Les pièces de titre et de tomaison de maroquin vert sombre, également décorées, viennent égayer le décor général.
Reliure exécutée sur une édition hollandaise de 1737-1742. La reliure peut être datée entre 1742 et 1760 peut-être 1770 ? je ne pense pas plus tard.



Nous avons à faire ici à une reliure d'un niveau supérieur par rapport à celle en veau vue hier. Le maroquin, très couteux, était réservé aux belles et riches bibliothèques. L'ouvrage recouvert est ici un roman du Chevalier de Mouhy, La mouche ou les aventures de M. Bigand, édition de Hollande entre 1737 et 1742, 8 parties reliées en 4 volumes. Cet ouvrage, déjà passablement rare, relié ici en maroquin de l'époque, devient une petite rareté.



Vue d'un des plats. Triple filet doré en encadrement et fleurette dorée dans les angles. Décor assez classique pour les reliures en maroquin de cette période.



Doublure de papier marbré, peigne large, roulette dorée en encadrement.


Bonne journée,
Bertrand

mardi 24 novembre 2009

Le livre ancien par l'image : une reliure en veau typique des années 1760.


Apprentissage de la bibliophilie par l'image.

Parce qu'une belle image vaut quelque fois mieux qu'un long discours. Voici, sélectionné pour vous, une reliure plein veau avec un décor de fleurettes dorées, le tout étant suffisamment typique de son époque pour le montrer en exemple.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir et voir les détails.


Reliure en veau glacé marbré, dos lisse orné de fleurettes dorées, filets et roulettes dorés, pièce de titre de maroquin rouge (reliure de l'époque exécutée peu de temps après 1762).


Ce type de reliure se recontre entre 1750 et 1770 environ. L'édition en question est une Ecole de l'homme (titre prometteur...) publiée en 1762 sous la fausse adresse de Londres. L'édition est très probablement due aux presses helvétiques. La reliure, en veau, avec un dos lisse, une pièce de titre et de tomaison de maroquin rouge, est sans doute française. L'exemplaire, parfaitement conservé après près de 250 ans de pérégrinations, s'expose à vous.

Ceux parmi nous qui sont déjà familiers des styles de reliures selon les époques doivent considérer que tous les visiteurs du Bibliomane moderne ne sont pas des experts et que l'apprentissage de la bibliophilie doit également faire partie des missions du Bibliomane moderne. De plus, même pour un fin connaisseur, il n'y a jamais de mal à étudier de près un exemplaire.

Savoir reconnaître un style de reliure et son époque de fabrication au premier coup d'œil, c'est à coup sûr se mettre à l'abri des remboitages et autres bidouilleries de certains marchands peu scrupuleux ou des amateurs sans expérience qui s'improvisent marchands. C'est savoir dire en un clin d'œil : "elle est bonne !"

Bonne journée,
Bertrand

J'ajoute, suite à la suggestion de Guillaume (j'avoue y avoir pensé une fois le billet publié), et afin que la fiche soit la plus complète possible pour permettre de reconnaître une reliure de cette période sans se tromper, une photographie de la doublure et de la garde volante intérieures, ainsi qu'une photographie de la tranchefile supérieure (simple, lin ou coton non teinté).


Papier tourniquet en doublure intérieure des plats et pour les gardes volantes. Papier typique du XVIIIe siècle, cependant on le retrouve pratiquement inchangé de la fin du XVIIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, son examen seul ne permet donc pas une datation très précise.


Tranchefile supérieure, simple, certainement en coton ou en lin ?
Cette technique de fabrication des tranchefiles, comme pour les papiers décorés servant aux doublures et aux gardes volantes, n'est pas spécifique d'une période précise. Pendant plus d'un siècle les tranchefiles n'ont pas varié. Le XIXe siècle inventera de nouveaux types de tranchefiles que nous verrons bientôt.

Brève pour bibliophiles : « Le livre ancien a un avenir »


Lu dans la presse électronique ce matin :


"Libraire à Montmorillon (Vienne), Frédéric Reitz assure que le livre ancien se porte bien. Même si avec la crise, nombre de ses confrères ont souffert.

Tout le week-end, le salon du livre ancien a pris ses quartiers à Bourges dans la salle du Duc Jean. Frédéric Reitz, libraire à Montmorillon et rédacteur en chef du Magazine du Bibliophile, revient sur le marché du livre ancien.

Que pensez-vous du salon du livre de Bourges ? Ici, on a un public beaucoup plus averti qu'à Montmorillon. C'est un public assez intellectuel avec médecins, avocats, journalistes, responsables politiques.

Comment se porte aujourd'hui le marché du livre ancien ? Le livre ancien ne peut se porter que bien. Tout ce qui est vieux, de toute manière, coûtera de plus en plus cher. Voyez Bill Gates qui a acheté un manuscrit de Léonard de Vinci.

Comment expliquez-vous cette montée en puissance ? La vie commerciale d'un livre neuf aujourd'hui varie entre trois mois et un an dans les commerces. Un an après sa parution, un livre est beaucoup plus dur à trouver. Là intervient tout le secteur de la librairie ancienne. Le livre qui a déjà été lu est récupéré, revendu, et servira d'autres lectures. C'est un bien de consommation à usage répété. On se situe bien dans une économie du non jetable. Elle aura de beaux jours devant elle.

Mais la crise n'a-t-elle pas touché les vendeurs de livres anciens ? Pour 2009, on se trouve dans une année de crise. La totalité des intervenants sur le marché du livre ancien ont vu leur activité diminuer entre 10 % et 30 %, quelques-uns jusqu'à 50 %. Il est tout à fait évident qu'il y a des libraires qui déposent le bilan.

Quel budget faut-il prévoir dans un salon du livre ancien ? Vous trouverez un livre de base à cinquante centimes. Mais des ouvrages peuvent monter jusqu'à 200.000 ou 300.000 euros. La grosse partie du marché (50 %) est constituée de livres entre dix et cinquante euros.

Quels sont les ouvrages qui marchent le mieux ? Il y a des livres pour enfant qui ont la cote comme les premières éditions du Petit Prince. Il y a tout ce qui a trait à la guerre de 1914-1918 qui est très recherché, les belles bibles du XVIIIe siècle, les livres des grands photographes (originaux de Willy Ronis avec Mac Orlan pour les textes)?

On parle beaucoup du livre électronique. Ne va-t-il pas concurrencer les livres anciens ? Ce n'est pas possible. D'abord, la télévision n'a pas supplanté le cinéma. Ensuite, il s'agit d'innovations qui se superposent et dont la vie est parallèle. Oui, l'e-book est plus léger. Oui, il pourra servir à des étudiants. Mais avant que le livre disparaisse complètement, vous et moi ont n'existera plus."

Benoît Morin benoit.morin@centrefrance.com

Le Magazine du Bibliophile, Librairie de l'Octognone, 20 place du Vieux Marché 86500 Montmorillon. Tél. 05.49.48.50.56.

Référence électronique de l'article : http://www.leberry.fr/editions_locales/bourges/le_livre_ancien_a_un_avenir@CARGNjFdJSsHHhIEABs-.html

Vous pouvez lire aussi une version corrigée de cet article, ICI (je vous laisse le soin de remarquer les différences).

Cet article a été repris sur le Bibliomane moderne pour simple évocation gracieuse, si l'auteur ne souhaite pas que son article figure en bonne page sur ce blog, il lui suffit de nous contacter et l'article sera immédiatement supprimé.

Bonne journée,
Bertrand

lundi 23 novembre 2009

Une histoire de cul ... de lampe, fleuron et autres ornements gravés sur bois.


C'est bien souvent le hasard qui guide nos pas en pays bibliophile. Voici encore une des ces petites histoires faites de hasards et de coïncidences.

Il y a de cela une semaine, je reçois un livre que je venais d'acheter par correspondance à un collègue libraire. Jusque là, rien que de très normal.

Voici le titre de cet ouvrage en photographie.


Comme vous pouvez le constater, d'après l'adresse du titre, il s'agit d'une édition française "A Paris, chez George & Louis Josse, rue Saint-Jacques, à la couronne d'épines. 1693. Avec privilège du roi." Privilège qui se trouve bien d'ailleurs à la fin du volume (volume achevé d'imprimer le premier jour de juin 1693). L'ouvrage compte 277 pages chiffrées. Soit. Je feuillète l'ouvrage, je collationne, je vérifie, j'inspecte, je vérifie quelques détails, j'observe les signatures, les bandeaux gravés, les fleurons, bref, je me fais une idée générale la plus précise possible et repose le volume sur le bureau.

Hum ! Hum ! Quelques détails me chagrinent, m'ennuient pour tout dire. Pour commencer, les réclames au bas des feuillets. On en trouve au bas de chaque page, à la manière hollandaise du temps. Cela ne colle pas avec une impression parisienne comme cela est annoncé. De plus, les bandeaux, culs de lampes et la vignette de titre ne m'inspirent guère non plus. Cela ne sent plus vraiment le livre français tout ça ! D'autant qu'un fleuron, qu'on trouve à la fin, m'interpellait plus que les autres. Le voici.


Je me disais que j'avais du le voir quelque part, il ne m'était pas inconnu, et puis, à force d'y réfléchir, je suis allé devant un de mes rayonnages, j'ai pris un livre en mains, un seul, j'ai feuilleté, et c'était le bon ! Cela rassure de voir qu'on connait bien ses livres. Il était là. J'ouvre le premier ouvrage, le deuxième, je compare. Au premier coup d'oeil, les deux fleurons gravés sur bois avaient l'air identique. Et puis, en y regardant de plus près, j'ai peu observé quelques infimes variantes dans les détails, notamment en ce qui concerne le sens de la gravure. En fait, il semblerait qu'un des deux est une copie de l'autre, donc à l'envers sur le papier. Voici la page de titre de l'ouvrage en question avec le fleuron sur le titre.


Comme vous pouvez le constater, le premier ouvrage a été édité en 1693 et le second en 1699.

Que tirer de tout ceci ?

Premièrement, qu'en bibliophilie la mémoire visuelle est essentielle. Elle permet bien souvent des recoupements qu'un regard amusé et distrait ne peut percevoir.

Deuxièmement, que l'édition des Poésies recueillies par Bouhours en 1693, qui m'ont été vendues, ne sont pas, comme le fait croire le titre, une édition parisienne, et donc pas l'édition originale, mais bien une contrefaçon, vraisemblablement hollandaise ou belge comme l'indique les ornements et les réclames. Voici la page de titre de la véritable édition originale des Poésies recueillies par Bouhours, publiées la même année, dans le même format. Le nombre de pages est différent (c'est aussi un élément qui m'avait bien évidemment permis de savoir que je n'avais pas devant moi l'édition originale).


Troisièmement, qu'être bibliophile s'est apprendre un peu plus chaque jour, se remettre en question à chaque instant, et surtout, prendre du plaisir à l'investigation.

Que pensez-vous de toute ceci ? Avez-vous déjà eu des expériences similaires grâce à votre mémoire visuelle en éveil ?

Bonne journée,
Bertrand

Epreuve en première : inauguration du site d'Italique.



copie d'écran du site http://italique.revues.org/


http://www.revues.org/7226

23 novembre 2009

Inauguration du site d’Italique

Italique privilégie la poésie italienne de la Renaissance dans la période qui va de Pétrarque à l’âge baroque. Cette poésie italienne, en latin et en langue vulgaire, a représenté des siècles durant la poésie par excellence et a constitué pour tous un modèle. Son intense maniérisme, la cadence harmonieuse de son style, qui faisaient autrefois son prix, la tiennent à l’écart du goût contemporain, si friand d’originalité. Une relecture moderne de cet extraordinaire patrimoine s’impose et Italique entend y contribuer. Le titre de la revue fait référence au caractère typographique (inventé par Aldo Manuzio) le plus en vogue au XVIe siècle italien. Et il trouve un support idéal dans la merveilleuse collection de livres rares qui forme le noyau de la Fondation Barbier-Mueller pour l’étude de la poésie italienne de la Renaissance, instituée en 1997 auprès de la Faculté des lettres de l’Université de Genève. La collaboration est ouverte aux spécialistes, aux maîtres reconnus et aux jeunes chercheurs, avec des contributions en italien, en français et en anglais.

Pour le lancement de son site sur Revues.org, Italique présente l’intégralité de ses numéros. Il s’agit de la deuxième revue publiée par la Librairie Droz à rejoindre le portail, après Crime, Histoire & Sociétés.

Accédez au site : http://italique.revues.org/

Bonne visite !

Bertrand

dimanche 22 novembre 2009

Quand bibliophilie rime avec autographophilie ou l'art de prendre le thé chez les Kropotkine.




Bon, je m'étais dis que s'il n'y avait aucun commentaire publié sur mon dernier billet "Le rêve américain d'Etienne Cabet ou quand l'utopie politique rencontre le bibliophile" j'arrêtais immédiatement le Bibliomane moderne pour cause de désintérêt volontaire flagrant des bibliophiles et bibliomanes modernes pour la cause utopique. Je savais déjà que le monde allait mal, mais là, j'avoue que j'en suis resté sur le flanc. Le bibliophile moderne ne serait donc qu'une machine à penser droit ?

Mais voilà que in extremis Sylvain sauve le Bibliomane moderne d'un naufrage annoncé. Merci Sylvain ! Merci mille fois et honte aux autres pour cet abandon idéaliste prononcé (tout ceci avec de grands sourires amusés bien évidemment).

Alors me voici reparti pour un tour, puisque un seul homme peut vous redonner courage pour tous les autres, allons-y !

Titre : Quand bibliophilie rime avec autographophilie, ou l'art de prendre le thé chez les Kropotkine.

Restons tout d'abord sur les mêmes accords. L'utopie n'a pas qu'un nom. L'avenir du monde ne connait pas qu'une seule issue.

Présentation générale :

Pierre Kropotkine. Paroles d'un révolté. Ouvrage publié, annoté et accompagné d'une préface par Elisée Reclus. Nouvelle édition. Paris, Librairie Marpon et Flammarion, rue Racine, 26, près l'Odéon. Ouvrage publié pour la première fois en 1885 en librairie. Il s'agit d'articles parus précédemment dans le journal Le révolté entre 1879 et 1882. C'est Elisée Reclus, son ami qui décide de les réunir en volume en 1885. Le volume que je tiens en mains n'a pas de date d'édition imprimée mais il doit s'agir d'une réimpression des années 1900. Il sort des presses d'Émile Colin, imprimeur à Lagny. L'exemplaire est relié en demi-toile anglaise marron avec de larges coins, à la bradel. La reliure est en parfait état. L'intérieur frais, bien qu'imprimé sur un papier tout à fait ordinaire et assez épais. Le volume est plus qu'agréable à lire et à toucher.

Est-ce bien de la bibliophilie me direz-vous ? Je n'en sais rien moi-même à vrai dire. Ce que je sais c'est que Pierre Kropokine était encore en vie au moment de cette nouvelle édition puisqu'il mourut en 1921 seulement. En 1900 il était âgé de 58 ans. Peu de temps avant la parution de cet ouvrage, Pierre Kropotkine avait été condamné à 5 ans de prison pour incitation à la révolte lors des grèves des soieries lyonnaises (1883). Il est amnistié en 1886. En 1878, Pierre Kropotkine avait rencontré Sophie Ananiev ou Ananief (orthographe francisée bien évidemment). Il passeront le reste de leur vie ensemble. A sa libération, Kropotkine décide avec sa femme, Sophie Ananief donc, de séjourner à Londres. Ils resteront trente ans en Angleterre où le mouvement anarchiste anglais prend de l’ampleur. Le 14 mars 1916, paraît un manifeste dit des Seize dont Kropotkine et Jean Grave sont les promoteurs. Ce texte, qui sera condamné par l’ensemble du mouvement anarchiste, s’élève contre les projets de paix et prône une attitude jusqu’au boutiste en faveur des démocraties alliées. En mai 1917, Kropotkine revient en Russie où il est chaleureusement accueilli. Il refuse de participer à un quelconque gouvernement et ne cesse de dénoncer la dictature qui s’instaure. Il meurt à Dmitrov le 8 février 1921 et son enterrement sera la dernière grande manifestation des anarchistes en Russie. Sophie Kropotkine meurt en 1938.

J'ai joins dernièrement à cet exemplaire des Paroles d'un révolté, deux autographes qui réunissent Pierre Kropotkine et sa femme Sophie.



Tout d'abord, il s'agit d'une carte de visite de Pierre Kropotkine, à l'adresse du 9. Chesham Street à Brighton (Angleterre), non datée (on peut dater cette lettre de l'année 1912 ou au plus tard 1913 puisque "la barbarie moderne" évoqué ci-dessous parait en 1912). Elle est adressée à Charles-Ange Laisant, mathématicien et anarchiste, ami du couple Kropotkine. En voici la transcription complète :

"Je vous remercie de tout cœur pour vos félicitations pour les paroles si pleines d'amitié que vous m'avez adressées et je regrette infiniment que l'état de ma santé m'empêche de vous écrire plus longuement. Vous ai-je remercié, cher ami pour "la barbarie moderne". C'est un livre puissant qui fera bonne besogne. Tombé malade quelques jours après mon anniversaire, je me remets, mais assez lentement, le temps est trop mauvais. Dans 8-10 jours nous comptons partir pour le midi. Beaucoup d'amitiés de la part de nous deux. Bien fraternellement à vous. P. Kropotkine."



La chance m'a permis d'acquérir, presque en même temps, une lettre de la main de Sophie Kropotkine, datée du 12 septembre 1913 et adressée au même. En voici la transcription :

"Sep. 12 1913, Cher Monsieur Laisant, nous serons enchantés de vous voir mardi prochain chez nous avec monsieur votre fils et femme. Si vous pouvez venir vers les quatre heures pour prendre avec nous le thé, ce sera encore mieux et on aura le temps de causer. En attendant ce plaisir, bien cordialement, Sophie Kropotkine."

Cette dernière lettre est écrite sur un papier portant le timbre sec à l'adresse du 9, chesham street, Brighton.


Voilà, c'était une manière de réunir en un billet, quelques propos sur une édition d'un des ouvrages de Pierre Kroptkine, de vous faire ressentir que l'émotion d'une lettre autographe peut bien souvent dépasser celle d'un livre, fut-il en édition originale ou rare. Ici nous vivons un instant chez les Kropotkine à Brighton, nous y prenons presque le thé... c'est émouvant.

Je me suis peut-être un peu trop éloigné des canons de la bibliophilies pour certains, ce n'est pas grave, on dira alors que j'ai écris ce billet pour les autres.

Permettez-moi, pour terminer, de vous laisser sur cette conclusion d'un autre de ses ouvrages "L’Entraide, un facteur de l'évolution" (1902) :

« Dans le monde animal nous avons vu que la grande majorité des espèces vivent en société et qu'ils trouvent dans l'association leurs meilleures armes dans la lutte pour la survie : bien entendu et dans un sens largement darwinien, il ne s'agit pas simplement d'une lutte pour s'assurer des moyens de subsistance, mais d'une lutte contre les conditions naturelles défavorables aux espèces. Les espèces animales au sein desquelles la lutte individuelle a été réduite au minimum et où la pratique de l'aide mutuelle a atteint son plus grand développement sont invariablement plus nombreuses, plus prospères et les plus ouvertes au progrès. La protection mutuelle obtenue dans ce cas, la possibilité d'atteindre un âge d'or et d'accumuler de l'expérience, le plus haut développement intellectuel et l'évolution positive des habitudes sociales, assurent le maintien des espèces, leur extension et leur évolution future. Les espèces asociales, au contraire, sont condamnées à s'éteindre. »

Ce genre de considérations permet, en général, de passer une douce et agréable nuit.

Bonne soirée,
Bertrand

vendredi 20 novembre 2009

Le rêve américain d'Etienne Cabet ou quand l'utopie politique rencontre le bibliophile.




Un matin vous vous réveillez avec des désirs d'ailleurs, des envies d'autres choses, des tristesses sur le monde qui vous entoure, vous ne savez plus très bien où vous en êtes, vous êtes citoyen d'un monde qui ne vous convient pas, et pourtant vous devez poursuivre votre route. Certains continuent, malgré tout, d'autres changent de voie, s'essayent à de nouvelles conceptions de la société des hommes. Vous êtes bibliophile, Etienne Cabet était un théoricien politique, et pourtant, les deux ne sont pas incompatibles. L'humanité est soluble dans l'utopie ! Cabet l'a prouvé, ne serait-ce qu'un instant.


Etienne Cabet nait à Dijon en 1788 (encore un illustre dijonnois...), simple fils d'un maître tonnelier, il fait des études de droit, enseigne, devient avocat, plaide, il se politise. Prenant parti pour le retour de Bonaparte dans un premier temps pendant les cent jours (1815), il doit fuir Dijon et se retrouve à Paris. Il ne cesse ensuite de s'élever violemment contre la restauration des Bourbons sur le trône de France. Il fait partie d'une société secrète d'entraide dénommée La charbonnerie, proche par sa conception et ses buts de la Franc-Maçonnerie. Il participe, dans ce contexte, aux journées révolutionnaires de juillet 1830. Après les Trois GLorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830), il devient pour peu de temps secrétaire du ministre de la Justice, puis est nommé procureur général à Bastial.Dans cette dernière fonction, il se distingue en défendant de nombreux accusés politiques et en professant des idées estimées trop démocratiques par le pouvoir, ce qui lui vaut d’être bientôt révoqué. Élu député de la Côte-d'Or en 1831, il attaque avec violence le gouvernement de Louis-Philippe dans un journal ultra-démocratique fondé en septembre 1833, Le Populaire. Interdite deux ans plus tard, la publication reparaît en mars 1841, encore plus virulente que la première version. Condamné en 1834 à deux ans de prison pour délit de presse, il préfère se réfugier en Angleterre où il fréquente notamment Martin Nadaud, le maçon de la Creuse en passe de devenir député (1815-1898). Grâce à l’apport de ce dernier et de réformistes anglais, dont Robert Owen, le philanthrope communisant (1771-1858), il poursuit sa formation politique. Lors de ce séjour forcé, il découvre également les conditions déplorables dans lesquelles travaillent les ouvriers dans les usines, dont Engels dénonce les excès dans La situation de la classe laborieuse en Angleterre, en 1845. De retour en France cinq ans plus tard, Étienne Cabet reprend son combat par la parole et l’écrit. Sous le titre de Voyage en Icarie, il publie en 1842 le plan d'une utopie communiste, la cité idéale d'Icarie. Élaboré en Angleterre et d’abord publié sous un pseudonyme en 1840, le livre connaît un succès immédiat en France et est plusieurs fois réédité. Dans sa préface, Cabet le présente comme « un véritable traité de morale, de philosophie, d'économie sociale et politique », qu'il invite ses lecteurs à « relire souvent et étudier ».

Inspiré à la fois par l'Utopia de Thomas More et son amitié avec le réformateur gallois Robert Owen, Cabet décrit Icarie à travers le récit imaginaire d'un jeune aristocrate anglais visitant une île mystérieuse. Voyages et aventures du Lord Wiliam Carisdall en Icarie est d'abord publié en 1840 en Angleterre anonymement, Cabet craignant d'être arrêté par les autorités françaises. Cette peur se révélant infondée, l'ouvrage est ensuite réédité en France à partir de 1842 sous le titre Voyage en Icarie, cette fois-ci portant le nom de l'auteur. Le succès du livre, qui deviendra une lecture courante parmi les milieux populaires, entraînera quatre autres éditions en huit ans. Le héros-explorateur de Cabet découvre sur l'île Icaria une république établie après qu'un « bon Icar » a renversé un dictateur. Le nouveau régime repose sur des principes égalitaires, où l'argent, la propriété privée, les cours de justice, les polices secrètes et la délinquance n'existent pas. Les ateliers et l'agriculture sont mécanisés et reposent sur les dernières applications scientifiques. Nourriture et vêtements sont fournis gratuitement aux citoyens, chacun « recevant selon ses besoins ». L'éducation est universelle et gratuite pour les deux sexes, et une bibliothèque communautaire rassemble des ouvrages soigneusement choisis. Il n'existe pas de religion d'État, mais les Icariens sont des chrétiens, Cabet considérant les premiers chrétiens comme la première société idéale.

Du rêve à la réalité, Cabet met en pratique son projet de société idéale.

Le 10 octobre 1847, environ 150 personnes réunies dans les locaux du journal Le Populaire votent l’« Acte de Constitution d’Icarie », élisent comme président Étienne Cabet et établissent un « Bureau de l’immigration icarienne » dans ces locaux. En décembre, Charles Sully est envoyé comme éclaireur pour préparer le terrain situé sur les rives de la Red River, dans les environs de la ville de Cross Timber, au Texas. Le 3 février 1848, 69 colons dirigés par Gouhenart, un peintre et marchande de tableaux, en l’absence de Cabet qui purge une peine de prison, embarquent au port du Havre.

Ils n’arrivent sur leur terrain qu’en juin 1848 après une longue et pénible marche car la Red River n’est pas praticable jusqu’à Cross Timber. Là, ils tentent d’organiser leur communauté mais sont vite découragés par le climat : plusieurs colons y meurent à cause de la fièvre paludique. Ils décident donc de se rendre à La Nouvelle Orléans où, après avoir rencontré d’autres colons icariens embarqués le 15 octobre, le 2 et le 12 novembre à Bordeaux qui sont dans une situation identique à la leur, ils votent la dissolution de la communauté icarienne.

Cabet, dès son arrivée à La Nouvelle Orléans le 19 janvier 1849, tente de reprendre les choses en main ; il convoque une assemblée générale grâce à laquelle il arrive à convaincre 280 hommes, 74 femmes et 64 enfants sur un total de 485 colons à poursuivre l’aventure icarienne. Le premier mai 1849, les colons arrivent dans l’Illinois dans la localité de Nauvoo, fondée en 1840 par les Mormons qu’ils abandonnèrent par la suite. Le climat est agréable et les terres sont fertiles. Pendant l’assemblée générale du 21 février 1850, les colons votent la constitution définitive de la communauté icarienne. Celle-ci prospère et les colons, français comme américains, affluent jusqu’en décembre 1855.

En octobre 1856, une crise interne due à l’insurrection de plusieurs colons qui jugent Cabet trop autoritaire et le système qu’il a mis en place trop liberticide, se résout par son départ, accompagné de 75 hommes, 47 femmes et 50 enfants, pour Saint-Louis, dans le Missouri. C’est là, peu après leur installation, que Cabet meurt d’une attaque cérébrale. Mercadier, qui est élu président afin de lui succéder, décide de quitter Saint-Louis en mai 1858 pour installer la communauté à Cheltenham. La communauté se poursuit jusqu’en 1863, quand les colons doivent prononcer sa dissolution, ruinés par les conséquences de la Guerre de Sécession.

J.-B. Gérard, qui avait succédé à Cabet dans la ville de Nauvoo, décide en 1857, alors à la tête de 240 colons, d’installer la communauté à Corning, dans l’Iowa, près de Nodaway. Certains décident alors de retourner en France, d’autre de rester à Nauvoo en abandonnant la communauté, et d’autres encore suivent Gérard. En 1863, la communauté icarienne de Corning n’est plus composée que de soixante personnes, mais sa prospérité et sa bonne productivité attirent de nombreux nouveaux et anciens colons.

En 1876, un nouveau conflit interne éclate : le parti des Jeunes Icariens, progressistes et révolutionnaires, accuse ce qu’il appelle la « Vieille Icarie » d’être trop conservatrice et routinière. En 1878, c’est la cour d'appel du comté qui règlera cette affaire en prononçant la dissolution de la communauté.

En 1881, intrigué par des récits relatant la popularité des idées socialistes à San Francisco, Armand Dehay part pour la Californie avec sa famille pour vivre temporairement avec son frère Théodore. Encouragé par Émile Bée, un chef de file du Parti travailliste socialiste, à tenter une nouvelle expérience icarienne dans la région, Dehay écrit à Paul et Pierre Leroux pour les inciter à le rejoindre. Après une exploration de la vallée de Napa, ils décident de relocaliser la jeune Icarie dans le comté voisin de Sonoma, près de Cloverdale.

Utilisant leur propriété d'Iowa comme garantie, ils achètent à crédit un ranch de 885 acres (358 ha) sur la Russian River au printemps pour 15 000 dollars, et baptisent leur nouvelle communauté Speranza, une référence au frontispice du journal défunt de Jules Leroux, L'Espérance. 100 acres (40 ha) de blé, 45 acres (18 ha) de vigne et 5 acres (2 ha) de pêchers sont plantés et une scierie est construite afin de rembourser le prêt, le reste des terres étant dédié au pâturage. Bien qu'ayant réduit leur dette à 6 000 dollars en 1883, les Icariens de Speranza sont bien loin de l'objectif idéal de l'autosuffisance, déjà remis en question par Péron dans l'Iowa.

À la fin de cette année-là, la communauté adopte une charte décrivant les principes gouvernant la colonie. Son fonctionnement diffère sensiblement des Icaries précédentes, s'inspirant des idées de Charles Fourier et Saint-Simon.

La communauté Icaria Speranza sera dissoute le 3 août 1886 par la cour de justice du comté. (source Wikipedia, article Etienne Cabet et Icarie).

Fin du rêve américain selon Etienne Cabet.

Je vous présente ci-dessus la page de titre de la "cinquième édition" de cet ouvrage aujourd'hui recherché des amateurs d'utopies politiques. Sans doute, jamais dans l'histoire du livre, un titre n'a si bien et si complètement résumé tout ce que contient un ouvrage. Je vous laisse étudier ce que la page de titre annonce.

Beau programme n'est-ce pas ? Plus d'un parti politique du XXIe siècle aimerait avoir le dixième de cette inspiration philanthropique !

La première édition de cet ouvrage a paru en 1839 (sous la date de 1840). Elle a pour titre complet : Voyage et Aventures de Lord William Carisdall en Icarie. Traduits de l'anglais de Francis Adams par Th. Dufruit. Elle est publié à Paris chez Hyppolite Souverain en 2 volumes in-8. Elle est rare et recherchée. Cette première édition, tirée à petit nombre, n'a pas été mise dans le commerce et était distribuée par Cabet à ses amis. Le titre définitif de "Voyage en Icarie" apparait pour la première fois en 1842.

Si vous ne connaissiez pas encore cet ouvrage, je vous laisse le découvrir ICI, et comme j'ai pu le lire : " (...) Pour le bien connaitre, il ne suffit pas de lire ; il faut le relire, le relire souvent et l'étudier"

Bonne journée,
Bertrand

jeudi 19 novembre 2009

La faute est aux dieux qui me firent si folle.




« La faute est aux dieux qui me firent si folle. » c’est ce qu’on peut lire en exergue du titre des deux petits volumes que j'essayais de vous faire découvrir hier. Quelle insolence ! Quelle impiété ! Quel athéisme professé d’entrée !

« Félicia ou mes fredaines. » tel était le titre de l’ouvrage dont je présentais hier les deux frontispices bien énigmatiques. C’était donc le chevalier Andréa de Nerciat qu’il fallait retrouver parmi tous ces polygraphes érotomanes et sensualistes de la fin du XVIIIe siècle. Je ne reviendrai pas sur cet auteur dont on trouve de bonnes biographies sur la toile.


Quant à son roman libertin « Félicia », c’est ici dans une édition ancienne donnée « A Amsterdam », non datée, en 2 volumes petits in-12, imprimée en vils caractères et sur vil papier, que je vous le présente.

D’après Jean-Pierre Dutel et sa Bibliographie des ouvrages érotiques publiés clandestinement en français entre 1650 et 1880 (chez l’auteur, Paris, 2009), c’est à une édition publiée en 1795 que nous avons sous les yeux (Dutel, A-397). Dutel n’annonce rien d’autre que les deux frontispices gravés comme illustration (ils ne sont pas signés).

C’est la première fois que j’ai en mains ce roman libertin dans une édition du XVIIIe siècle. Dutel en dénombre pas moins de quatorze éditions jusqu’en 1800. C’est dire le succès de ce genre d’ouvrages parmi la gent masculine (et féminine ?) lettrée de l’Europe d’alors.

Les deux frontispices sont d’ailleurs bien sages et ne transcrivent qu’assez imparfaitement tout le libertinage qui se trouve mêlé entre ces lignes de belle prose. Nerciat était un fin écrivain, son style est agréable et les scènes érotiques qu’il évoque ne sont jamais grossières ni vulgaires. Je vous laisse le découvrir si ce n’est déjà fait. La première édition de ce roman « interdit » (ultérieurement mis à l’index et condamné à être détruit) aurait été publiée vers 1775 (Amsterdam, sans date, 2 vol.).

Malheureusement, l’exemplaire que j’ai en mains n’est pas des plus frais. Bien que complet de tous les feuillets, des frontispices et de ses reliures d’époque, l’ensemble est pour le moins défraîchi et sans grand intérêt bibliophilique pour le bibliopégimane ou le puriste qui ne chercheraient que des exemplaires parfaits.

Je m’engage donc devant vous à trouver prochainement un exemplaire digne de ce nom, frais, si possible en maroquin d’époque, avec envoi autographe de Nerciat (et ils sont plus que rares…), aux armes ce serait mieux encore. Voilà bien un engagement de bibliophile sérieux !

Je vous livre en prime quelques belles double-pages de cet exemplaire pour que vous puissiez juger par vous-même de la médiocre qualité de l’impression. Je ne sais d’ailleurs pas de quelles presses sortent ces deux volumes ? Si quelqu’un a une idée ?




Je ne peux terminer ces quelques lignes sans vous dire que Nerciat était né à Dijon, tout comme Piron. Deux beaux gaillards parmi d'autres qui laissèrent plus que des traces dans la littérature galante de leur temps. Le bourguignon n’a pas de réputation surfaite en la matière, la bibliophilie nous le rappelle tous les jours.

PS : N’oubliez pas le Beaujolais nouveau qui vient d’arriver (je viens justement d’en voir passer une bouteille devant la fenêtre…) ça conserve tant que la modération s’allie au plaisir de la dégustation.

Bonne soirée,
Bertrand

mercredi 18 novembre 2009

Enquête polissonnière ou les frontispices détachés du contexte.


Une petite devinette bibliophile.

Saurez-vous deviner à quel ouvrage appartiennent ces deux gravures qui se trouvent placées chacune en frontispice et servent, pour l'édition concernée, d'unique illustration ?


Cliquez sur les images pour les agrandir.



A vos méninges.

La réponse est ICI.

Bonne journée,
Bertrand

mardi 17 novembre 2009

Arabesques.


Les fidèles lecteurs du Bibliomane Moderne, ou à tout le moins les plus attentifs d’entre eux, auront remarqué que les articles signés du Textor sont majoritairement inspirés par les ouvrages du XVIe siècle. Ce tropisme n’a pas d’explication connue et nécessiterait certainement d’entamer une longue analyse psychanalytique que je vous épargnerai ici !

Le XVIe siècle est certes un moment passionnant de l’Histoire au cours duquel les humanistes ont redécouvert les valeurs de l’Antiquité, où l’Occident s’est ouvert sur d’autres cultures avec la découverte du Nouveau Monde d’un coté et les contacts avec le Moyen Orient de l’autre, où l’identité culturelle et les langues vernaculaires ont émergées, où la réflexion sur les religions a conduit aux débats que l’on sait, mais est-ce suffisant ? Il existe des tas d’autres bonnes raisons de s’intéresser aux siècles suivants.

J’esquisse une autre tentative de réponse : l’arabesque.

Arabesques d’une lettrine (Jean Damascène, Paris, H.Estienne,1512)

L’arabesque, encore appelée entrelacs ou mauresque, est un ornement de peinture, sculpture ou de gravure répétant des symétries stylisées qui évoquent des formes de plantes, plus rarement d'animaux.

C’est grâce aux rapports commerciaux entre le Moyen-Orient et Venise que s'introduit dans l'art occidental, le terme d'arabesque. Il suggère clairement l’origine musulmane du motif dont on trouve les premières traces dès 1308-1311 dans les tableaux de Duccio à Sienne. Mais il faudra attendre le XVe siècle pour que le genre se diffuse dans les tableaux des peintres vénitiens Cima da Conegliano (1460-1465), Vittore Carpaccio (1525-1526) et Palma le Vieux. À partir de cette époque, on rencontre les arabesques dans les illustrations de livres ou frappées sur les reliures. Ces éléments de décor caractérisent le style de beaucoup d’ouvrages du XVIe siècle.

La prochaine vente ALDE, présentée récemment par Bertrand, montre quelques beaux exemples de reliures à la cire où l’arabesque triomphe.

J’illustrerai ce thème par des exemples plus modestes.



Arabesques sur un vélin doré (P.Bembo, Venise, G Scotto 1552)




Arabesques sur une tranche dorée (P.Bembo, Venise, G Scotto 1552)


Utilisées dans les plats des reliures des livres décorés à la feuille d’or appelé alla damaschina (selon la façon de Damas) en Italie, les mauresques seront reprises en France dans les livres reliés pour le roi Louis XII (vers 1510). Le premier livre entièrement consacré aux mauresques est l’ouvrage du florentin Francesco Pellegrino, assistant du Rosso, c’est un in-8, de 69 feuillets dont 60 gravés de patrons de « broderie », conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal (1530).

Ensuite, d'une façon originale en Europe, l’arabesque sera utilisées dans l'ornementation des illustrations des livres édités à Lyon et à Paris : les encadrements d’arabesques par B. Salomon sont célèbres (G. Paradin, Memoriae nostrae, 1548, La Métamorphose d’Ovide figurée, par Jean de Tournes, 1557- que j’ai manqué lors d’une des ventes Berès !)

En ce concerne le livre d’emblèmes intitulé le Pegme de N. Cousteau, 1555, Baudrier nous dit que les encadrements des gravures sont de Pierre Eskirsch (ou P. Vase), mais il ne précise pas pour l’encadrement du titre, dont les entrelacs sont bien caractéristiques des productions lyonnaises du temps et s’apparentent aux encadrement de l’Ovide de de Tournes .


Arabesques sur une page de titre (P. Cousteau, Lyon, M. Bonhomme, 1555)


Puis, au XVIIIe siècle une confusion s'installe avec les grotesques (pourtant différentes par leur usage de figures humaines et animales, voire chimériques) et en détournera l'usage du mot arabesque ; ainsi dans les catalogues de vente, les dessins de grotesques des élèves de Raphaël sont décrits comme arabesques.

Les bandeaux des Mémoires de Martin du Bellay sont déjà des arabesques chimériques.


Arabesques d’un bandeau (M. du Bellay, Paris, à l’olivier de Pierre Huillier, 1569)


Arabesques d’un cul de lampe (M. du Bellay, Paris, à l’olivier de Pierre Huillier, 1569)


Bonne Journée
Textor

Des Chiffres et des Lettres.


Voici un chiffre couronné non identifié que je trouve sur la page de garde d'un volume relié en maroquin dans la première moitié du XVIIIe siècle.



Il est noté à la plume au verso de la page de garde qui porte ce cachet : "acheté relié le 18 de février 1817." Je pense que le cachet date de cette période (pour marquer son achat) ??

Si vous avez des idées...

Bonne journée,
Bertrand

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