samedi 30 janvier 2010

P. DELACOUR REL. ??? Un relieur de la deuxième moitié du XIXe siècle inconnu de Fléty. (suite)




2 volumes grand in-8, maroquin bleu nuit décoré aux petits fers dorés et mosaïqué de petites pièces de maroquin rouge, large jeu de roulettes dorées en encadrement intérieur des plats, tranches dorées (reliure signée DELACOUR). Exemplaire de la bibliothèque de M. Albert Natural avec son ex libris.


Pour faire suite au billet d'hier sur une reliure exécutée peu après 1883 par un certain DELACOUR (inconnu de Fléty), voici quelques photos complémentaires qui, je l'espère, vous permettront, d'une part d'apprécier son travail (il le mérite ! ... et je ne dis pas cela parce que c'était un de la première Internationale !!), d'autre part de noter les petits défauts de technique (notamment dans la dorure - mais attention ! elle n'est sans doute pas de lui - mais de qui ??).








Concernant Alphonse Delacour, voici ce que j'ai trouvé hier et qui pourrait venir étayer cette hypothèse.


Reliure plein maroquin exécutée par Alphonse Delacour avec un envoi daté de 1886 (voir la fiche ci-dessous - cliquez sur l'image pour agrandir). A noter la même particularité que notre exemplaire de Mademoiselle de Maupin, les coins de la reliure sont arrondis.



Bon dimanche (euh mince... on est que samedi...),
Bon samedi alors...
Bertrand

vendredi 29 janvier 2010

P. DELACOUR REL. ??? Un relieur de la deuxième moitié du XIXe siècle inconnu de Fléty.


Voici un relieur de la fin du XIXe siècle (après 1883 mais avant 1890 d'après quelques éléments), non répertorié par Fléty dans son Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours.

Il signe en belle place, en doré, dans la roulette, chasse intérieure du premier plat :

................. P. DELACOUR REL. ....................


Cliquez sur l'image pour l'agrandir

On distingue bien le coin arrondi et non pointu comme c'était l'usage dans la plupart des reliures rencontrées à cette époque (1880-1890).


Qui cela pouvait-il bien être ?

J'ai une petite idée mais j'avoue que j'ai du mal à confirmer.
J'aimerais bien avoir connaissance de vos hypothèses.

PS : Sans être d'une technicité irréprochable comme Chambolle-Duru, Trautz-Bauzonnet, Lortic ou Cuzin, ce relieur s'inscrit dans la même tradition. Le travail est bon. Quelques petits défauts de finition sur les filets dorés (mais je ne suis même pas certain que cette reliure a été dorée par ce Delacour ?? - Une particularité notable : les coins de la reliure que j'ai sous les yeux sont arrondis ! usage assez peu courant à cette époque pour être noté.

Note : On se demande toujours et encore quand la nouvelle édition annoncée du Fléty verra le jour ??

Bonne journée,
Bertrand

jeudi 28 janvier 2010

La famille Ballard : Trois siècles de Libraires-Imprimeurs pour la musique du roi.




Pour commencer ce billet, je vais essayer de vous expliquer ma façon de voir les choses bibliophiliques. J'appellerai cela la théorie de la boule de neige ou du mikado, au choix...

Disons que tout commence toujours par un livre que je ne connaissais pas, ou très mal. La plupart du temps arrive sur mon bureau un livre que j'ai choisi pour sa curiosité, son aspect ou son auteur, le plus souvent pour ces trois raisons nécessaires et suffisantes pour faire de moi le plus heureux des bibliophiles-libraires. Parfois je m'intéresse à un ouvrage sur la seule impression qu'il me donne de prime abord. C'est souvent mince. Thématique ou reliure, auteur ou provenance, un seul de ces éléments ou bien les quatre réunis peuvent m'enthousiasmer ou me rebuter.

Lorsque le livre est là, encore inconnu ou presque, je n'ai qu'une envie, travailler à en savoir plus. Une sorte de logique intuitive fait que c'est à l'auteur de l'ouvrage que je m'intéresse tout d'abord, ensuite j'essaye d'en savoir plus sur l'ouvrage question, la période à laquelle il a été écrit, le contexte historique, les particularités liées à l'imprimeur, au libraire, etc. Bref, tout un faisceau d'informations qui font qu'on en sait alors un peu plus sur ce qu'on tient en mains.

Vous me direz qu'il est curieux et étonnant que le premier réflexe ne soit pas celui de lire l'ouvrage nouvellement acquis. Et vous aurez raison. Souvent je feuillète, je m'arrête sur une page, puis une autre, encore une ou deux autres et puis je repose le volume. Après cette première lecture épisodique, je suis en mesure de me dire "je suis conquis" (auquel cas je lirai le volume dans son entier, aujourd'hui ou demain) ou "je ne suis pas conquis" (auquel cas je n'ai guère envie de poursuivre la lecture d'un livre que je n'ai pas apprécié de prime abord - cela peut paraître abrupte comme décision mais cela a le mérite de laisser le temps d'apprécier d'autres œuvres - cette méthode étant tout à fait personnelle). Certains volumes, pourtant jugés inintéressant dès cette première lecture épisodique, m'intriguent et m'entrainent vers de nouvelles recherches, elles, toujours intéressantes.

Je ne voudrais pas être un incorrigible bavard ennuyeux... passons à cette "acquisition récente" qui m'a amené à lire à comprendre tout un pan de l'histoire de l'édition française que j'avais jusque là ignoré.

Les éditions d'airs à danser et à boire du XVIIe siècle. Voilà bien une thématique que je n'avais encore jamais eu l'occasion d'aborder ! Il me restait à en savoir plus pour comprendre mieux.

Qui a dit que nos aïeux ne savaient pas s'amuser et lever le coude ?

Quand vous avez fini la lecture de ce petit livret, vous êtes détrompé ! Au temps de Louis XIII le françois était guilleret et même davantage. Il suffit pour s'en convaincre de lire quelques vers de ces airs à danser et à boire.


Chanson à danser :

Que j'ayme le souvenir
De cet aymable langage,
Qu'un berger plein de désir
Tenoit dedans ce boccage,
Marchandant un pucelage
Qu'il ne paya qu'en plaisir.

Pendant qu'avons le loisir
Dans le frais de cet ombrage,
Philis, tu ne peux choisir
Un lieu plus à l'avantage.
Donne moy ton pucelage
Que je le paye en plaisir.

Tu te laisseras moysir
Si tu fais toujours la sage,
Puis mourras de deplaisir
Quand tu auras passé l'aage
De donner ce pucelage
Que l'on perd avec plaisir.

Enfin pressé du désir
Qui eschauffe son courage,
Au corps il l'a veint saisir,
Et la couchant sur l'herbage
Il luy prit ce pucelage
Qu'il ne paya qu'en plaisir.



Chanson à boire :

Le vin, le vin, le vin, le vin,
Est une liqueur sans pareille,
Aussi toujours à cette fin
Je vais cherchant une bouteille :
Ha ! la voylà, ha ! la voicy,
Celle qui chasse le soucy.

Fy, que l'on ne me parle pas
De jardin, n'y de Thuillerie.
Voicy mon cours que ce repas,
C'est où je veux passer ma vie.
Ha ! la voyla.

Celuy qui planta le serment,
N'estoit-il pas un homme insigne ?
De ne laisser par testament
A ses enfans que de la vigne.
Ha ! la voyla.

Le vin, le vin, le vin, le vin,
Est une liqueur sans pareille,
Aussi toujours à cette fin
Je vais cherchant une bouteille :
Ha ! la voylà, ha ! la voicy,
Celle qui chasse le soucy.

L'homme qui vit dans les trésors
Je l'estime bien misérable,
Il n'est que de traitter son corps,
De rire, & de chanter à Table,
Ha ! la voyla.

Du vin, du vin, du vin, du vin,
Ce mot me charme les oreilles :
Ca, chers amis, le verre en main,
Faut vuider toutes les bouteilles.
Ah ! la voyla.


Ce petit livret contient le XIe livre de Chansons pour dancer et pour boire. A Paris, par Pierre Ballard, imprimeur du Roy pour la Musique, demeurant rue St-Iean de Beauvais, à l'enseigne du mont Parnasse. 1638. Avec Privilège de sa majesté.

C'est un volume petit in-8 (Hauteur : 155 mm) de 47 feuillets et 1 feuillet non chiffré (table et privilège). Curieux et joli petit volume folioté et non paginé, dans la tradition des livres imprimés du XVIe siècle. Le premier feuillet est illustré sur son recto d'un joli bois gravé en médaillon représentant une série de déesses jouant de divers instruments (luth, viole, harpe, etc). Le bois, visiblement fait de deux parties montre une cassure horizontale en son milieu. Chaque chanson s'ouvre sur une belle lettrine historiée de taille variable et se termine par un joli cul de lampe. Au début de chaque chanson, l'air est donné avec portée musicale et notes. On compte 34 chansons à danser. Ensuite vient une épitre "Au père Flotte" signée de Rosiers Beaulieu. 12 chansons à boire viennent clore ce recueil.



Ce XIe recueil de chansons à danser et à boire parait dans le courant de 1638 si l'on en croit la date présente sur le titre (les lettres patentes sont en date du 29 avril 1637). Louis XIV nait à Saint-Germain-en-Laye le 5 septembre 1638.

Vous imaginez bien que s'il s'agit du XIe recueil de ce genre... c'est qu'il en existe au moins dix autres qui l'ont précédé. Me voilà donc parti à la recherche des dix premiers livres de Chansons à danser et à boire... et de ceux qui suivirent ce XIe recueil ! Car il y en eu bien d'autres encore les années qui suivirent.

Évidemment ces petites chansonnettes fort grivoises et incitant à la bouteille m'ont intrigué. L'éditeur Pierre Ballard encore plus ! J'ai donc commencé à chercher de ce côté. Qui était ce Pierre Ballard, imprimeur du Roy pour la musique ?

Inutile d'aller chercher la vérité dans La Caille (Histoire de l'imprimerie et de la librairie, 1689), on sait que les informations qu'il donne sont aujourd'hui obsolètes. J'ai tout de même lu dans cet ouvrage quelques intéressantes informations sur les Ballard. Une histoire de père en fils...

A l'heure d'aujourd'hui il est plus simple d'interroger le "Grand Babu" Google et son cousin érudit Google Books... ce que j'ai fais.

Je suis tombé sur un document rédigé il y a quelques années et dont je donne ici quelques extraits. Toute l'histoire des Ballard y est très bien résumée. Je donne en lien le document d'origine.

Voici ce qu'on y apprend sur cette famille Ballard :

"En 1551, Robert Ier Ballard (v. 1525-1588) fonde une imprimerie avec Adrian Le Roy. Ils reçoivent le privilège d’imprimeur en 1551 et une charge d’« imprimeurs de la musique du roi » en 1553, en remplacement de Pierre Attaignant (mort v. 1551). Par leurs relations familiales et professionnelles, Ballard et Le Roy sont introduits à la Cour et peuvent ainsi obtenir le monopole d’imprimerie de la musique. Parmi les oeuvres qu’ils impriment figurent celles de Lassus et Janequin. Robert Ballard épouse Lucrèce Dugué, fille d’un organiste du roi, en 1559. Devenue veuve, celle-ci renouvelle l’association avec Le Roy et, à la mort de celui-ci (1598), reprend l’entreprise. Après s’être brièvement associé avec sa mère, Pierre Ier Ballard (v. 1575-1639) prend réellement la tête de l’imprimerie en 1606 et reçoit la charge paternelle en 1607. Un décret de 1637 vient encore renforcer son monopole, en soumettant à son consentement l’attribution de tout nouveau privilège. Il édite notamment les oeuvres de Claude Lejeune, d’Eustache du Caurroy et l’Harmonie universelle (1634-1635) de Marin Mersenne. En 1635, il gagne un procès intenté à Nicolas Métru, qui avait obtenu des lettres patentes pour faire imprimer sa musique chez le libraire ou l’imprimeur de son choix (1633). Comme beaucoup de bourgeois qui trouvaient dans l’achat de charges le moyen de gravir l’échelle sociale, il achète un office de commissaire de l’artillerie vers 1621. Robert III Ballard (v. 1610-1673), son fils, débute comme libraire avant de lui succéder en 1639. Face aux attaques des Sanlecque, père et fils, inventeurs d’une nouvelle méthode d’impression, il leur intente un procès en 1640, dans le but de leur interdire l’exercice du métier ; mais le Parlement lui donne tort1. Il édite notamment les oeuvres d’Henry Du Mont et la Pathodia sacra de Constantijn Huyghens, mais aussi des édits royaux ou l’Imitation de Jésus-Christ (dont il rachète la privilège en 1654). Entre 1652 et 1657, il est syndic de la Communauté des imprimeurs et libraires de Paris, rôle dans lequel il s’illustre par sa collaboration avec le pouvoir contre les mazarinades et par sa « tolérance » dans l’affaire des Provinciales de Pascal. A cette occasion, il est attaqué par les jésuites, qui poussent ses pairs à réclamer sa destitution2. Consul (1650) puis juge-consul (1666) de Paris, receveur général des « Pauvres de la ville et faubourgs de Paris » (v. 1664-1667), il achète également une charge de noteur de la Chapelle du roi3 en 1666. Christophe Ballard (1641-1715), d’abord libraire, lui aussi, reçoit le titre de « seul imprimeur de la musique du roi » en 1673. Il intente un procès à Pierre II, son frère, qui tente de lancer une entreprise concurrente. Un arrêt de 1696 donne raison à Christophe. Il édite la musique de Lulli, Brossard, Campra, Charpentier, Lalande, Hotteterre, Couperin ou encore Dandrieu, et les livrets d’opéra de Quinault. Il doit pourtant faire face au développement de la musique imprimée à partir de plaques gravées, qui concurrencent sérieusement les caractères du XVIe siècle qu’utilise encore son entreprise4. Ainsi en 1713, Leclair et d’autres musiciens gagnent leur procès contre Christophe Ballard, qui voulait étendre son monopole à cette nouvelle technique. Il est syndic des imprimeurs libraires entre 1698 et 1701 et valet de la Chambre du roi. Jean-Baptiste Christophe Ballard (1663-1750), lui aussi libraire et imprimeur, reprend la maison et la charge familiale en 1715. Il édite Lulli, Destouches, Campra et Rameau (Traité 1722, Nouveau système 1726), mais ne peut résister au succès de la musique gravée. Son fils, Christophe Jean François Ier Ballard (v. 1701-1765), libraire jusqu’en 1741, reprend la maison en 1742 et y introduit l’usage de la gravure en taille douce. S’il conserve la faveur royale, puisque le roi l’autorise à faire porter sa livrée à ses domestiques, l’entreprise familiale commence pourtant déjà à décliner. Ne pouvant plus se consacrer uniquement à la musique, Christophe Jean François se tourne alors vers d’autres types d’ouvrages comme L’Almanach historique, généalogique et chronologique de l’abbé d’Estrée ou une Géographie historique de 1760. Avec Pierre Robert Christophe Ballard (1743-1812), la Révolution sonne définitivement le glas du règne des Ballard sur l’imprimerie musicale, avec l’abolition du système des privilèges d’impressions et des charges (1791). Ainsi, s’il est encore « seul Imprimeur pour la musique de la Chambre, Menus-Plaisirs et Grande Chapelle de Sa Majesté » avant la Révolution, il doit rapidement se diversifier. Imprimeur du comte et de la comtesse d’Artois dès 1781, il apparaît ensuite comme imprimeur du département de Paris (dès 1793) et des « théâtres de la République des arts » (dès 1800). Il édite ainsi des traités d’astronomie, des affiches pour Dufourny, président du Conseil général de la Seine, et pour le comte d’Artois, des décrets de la Convention et du département de la Seine et des ouvrages comme La relation du voyage des Nantais à Paris. Il est élu lieutenant de la Garde nationale en septembre 1789. La lignée s’éteint avec son fils Christophe Jean François II Ballard (1772-1825) qui reprend l’imprimerie en 1813 et meurt sans laisser d’héritier. Il édite notamment des ouvrages scientifiques comme les Tables de Martin ou le Dictionnaire universel des divisions et des multiplications. Son épouse Thérèse Bauche, veuve d’Antoine Vinchon, reprend l’imprimerie familiale après la mort de son époux et la lègue à Jean-Baptiste Vinchon, fils de son premier mariage. Avec huit générations d’imprimeurs, et en dépit de leur attachement à une typographie rapidement dépassée et de leur acharnement à défendre un monopole de plus en plus contesté, les Ballard font preuve d’une constance professionnelle remarquable, incarnée aussi par la stabilité de leur implantation. En effet, Robert Ier et ses descendants (au moins jusqu’à Jean Baptiste Christophe) conservent la même adresse : rue St-Jean-de-Beauvais à l’enseigne du Mont Parnasse. Pierre Robert Christophe, lui, est installé au 8 rue des Mathurins, au moins entre 1768 et 1793, et Christophe Jean François II Ballard au 8 rue Jean-Jacques Rousseau. Les enquêtes des syndics de leur profession sur les outils et le personnel de l’imprimerie Ballard montre la puissance de l’entreprise, qui compte entre 3 et 4 presses pendant le XVIIe siècle. Emblématiques d’une bourgeoisie prospère et industrieuse, ils achètent des maisons et des rentes à Paris ou dans les environs5, s’impliquent dans la fabrique de leur paroisse, dans la gestion d’établissements hospitaliers ou de confréries (Confrérie de St-Jean-l’Evangéliste) et payent leurs impôts avec régularité."

(Aubin LEROY, stagiaire de l’Institut national du Patrimoine sous la direction de Régine MALVEAU chargée d’études documentaires A R C H I V E S D É P A R T E M E N T A L E S D ' I N D R E - E T - L O I R E TOURS 2005 - Document original avec les notes téléchargeable à cette adresse : http://archives.cg37.fr/UploadFile/GED/SerieJ/1178540575.pdf)

Sur ces livres de Chansons, je vous invite à lire également l'extrait de l'ouvrage qui se trouve ICI.

Le Catalogue Ballard Pierre I Ballard et Robert III Ballard Imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673) est disponible ICI.

Passionnant non ? Je n'aurais pas imaginé trouver aussi rapidement un résumé de trois siècles d'activité de librairie et d'imprimerie. Reste maintenant à creuser, détailler, apprendre, comprendre, enfin, bref, tout ce qui fait le sel de la bibliophilie et de la librairie ancienne.

Je vous laisse, il faut que j'aille mettre en pratique quelques unes de ces dernières chansons pour l'entraînement au lever de coude... au XXIe siècle...

La bibliophilie nous emmène souvent bien loin de là où nous étions au départ...

Avez-vous déjà croisé ces recueils ? Les collectionnez-vous ? Que pensez-vous de ces impressions musicales du XVIIe siècle ?

Bonne journée,
Bertrand

mercredi 27 janvier 2010

Vente de livres anciens et modernes. ALDE (Paris), le mardi 2 février 2010.




Voici une vente de livres qui mérite l'attention des bibliophiles.

Vente du Mardi 2 février 2010
Vente Livres Anciens & Modernes
ALDE - Paris.

Horaire : 14h
Lieu : Salle Rossini - 7, rue Rossini - 75009 Paris
Exposition : Le 01/02 de 11h à 18h et le 02/02 de 11h à 12h
Informations : Commissaire-Priseur
Jérôme Delcamp

Estampes : nos 1 à 10
Livres anciens : nos 12 à 187
Livres sur Paris : nos 188 à 232
Livres du XIXe siècle : nos 233 à 379
Livres modernes : nos 380 à 478

Experts

Éric Busser
présentera les numéros marqués d’un astérisque
Librairie Busser
3, avenue de Villiers
91210 Draveil
Tél. 01 69 42 08 80
Fax 01 69 42 09 30

Dominique Courvoisier
Expert de la Bibliothèque nationale de France
Librairie Giraud-Badin
22, rue Guynemer
75006 Paris
Tél. 01 45 48 30 58
Fax 01 45 48 44 00

Hélène Bonafous-Murat
présentera la partie Estampes
8, rue Saint-Marc
75002 Paris
Tél. 01 44 76 04 32


Exposition à la Librairie Giraud-Badin.
du mardi 26 au samedi 30 janvier de 9 h à 13 h et de 14 h à 18 h (fermeture à 17 h le samedi 30 janvier)

La Maison de ventes Rossini
présentera les nos 102, 153 et 226.

Pour tout renseignement, veuillez contacter la maison de vente au 01 45 49 09 24.



Le catalogue est téléchargeable ICI.



Je ne m'aventurerai pas à vous présenter une quelconque sélection, il y a beaucoup de belles choses. Je vous laisse juge. Si vous souhaitez partager vos coups de cœur avec le Bibliomane moderne ce sera un plaisir pour nos lecteurs.

Important : La publication de cette annonce dans les colonnes du Bibliomane moderne est tout à fait gracieuse et ne relève d'aucun contrat avec la maison de vente ALDE. Il nous plait de diffuser cette information, sans obligation aucune ni contrepartie. Il nous serait d'ailleurs agréable de diffuser toutes informations relatives aux belles ventes de livres à venir, en France ou à l'étranger. Pour ce faire il vous suffit de me faire parvenir un catalogue papier de la vente dont vous souhaitez nous informer. En ce cas, contactez-moi à bertrand.bibliomane@gmail.com Le Bibliomane moderne se réserve le droit de diffuser ou non les informations qui lui seront ainsi transmises.

Je remercie tout particulièrement la Librairie Eric Busser et l'étude ALDE pour leur gentillesse et l'envoi gracieux du catalogue papier.

RÉSULTATS DISPONIBLES ICI

Bonne journée,
Bertrand

Connaissance de la reliure par l'image. Un décor typique de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle (France).



Décor aux petits fers dorés, typique de la période 1690-1710.
Ici, 2 volumes in-12, basane fauve, édition lyonnaise de 1702.
Il est assez rare de voir des dorures aussi bien préservées (non encrassées, non frottés).
La reliure sort-elle d'un atelier de Paris ? Province ? Lyon ?


Bonne journée,
Bertrand

mardi 26 janvier 2010

Denys le Périégète, description de la Terre habitée (1478).


Aujourd’hui, présentons un petit ouvrage qui n’est pas tape-à-l’œil pour deux sous. (Amateurs de la Chronique de Nuremberg, passez votre chemin !). C’est une édition vénitienne de 1478, sortie des presses de mon imprimeur préféré, Franciscum Renner de Heilbronn (ou encore Renner ou Rainer de Hailbrun).

Son titre est imprimé à l’encre rouge : Eloquentissimi uiri domini Antonij Becharie ueronensis Proemiu in Dionysij traductionem De situ orbis habitabilis ad clarissimu physicu magistru Hieronymu de leonardis. (1)


Fig 1 Page de titre.


Les infatigables voyageurs grecs ont sillonné les terres habitées et fourni les premières descriptions du Monde. Parmi eux on connait Hérodote, bien sur, et aussi Strabon ou Pausanias, mais probablement un peu moins Denys le Périégète, (littéralement Denys du Périple) qui fut l’auteur d’une Description de la Terre Habitée, en vers hexamètres, écrit dans un style dense et élégant, d’abord en grec, puis traduit en latin, ici par le véronais Antoine Beccharie. (ca 1400 - 1474).

Une tradition de poèmes didactiques s’est développée en Grèce. A l’origine de ce courant, les Travaux et les jours d’Hésiode (VIIIème siècle av.JC) renferme un manuel pratique de techniques agricoles auquel se mêlent des considérations religieuses et philosophiques sur la condition des hommes. A l’époque hellénistique et gréco-romaine, alors que la prose s’est depuis longtemps imposée pour les textes savants, certains auteurs choisissent encore la forme de la poésie didactique. Il s’agit parfois d’un jeu littéraire où le poète affronte avec virtuosité un sujet technique. Mais parfois, on trouve un contenu scientifique réel traversé par une méditation philosophique. Tel est le cas des Phénomènes d’Aratus, déjà présentés (vers 315- 240 av JC ) qui adaptent un traité d’astronomie, ou la Description de la Terre Habitée de Denys le Périégète qui condense en moins de mille deux cent vers les acquis de la géographie alexandrine.

Denys d’Alexandrie est un contemporain de Claude Ptolémée ou Marin de Tyr; il composa sa description du Monde habité vers 124 après JC, (Tout au moins c’est ce qu’on suppose car, en fait, nous ne connaissons que peu de choses de ses origines et même pas la date exacte de sa naissance qui pourrait se situer à l’époque d’Hadrien, (Ier siècle) mais que certains situent plutôt au IIIème siècle après J.C. !)

C’est un traité de vulgarisation de la géographie, mêlant descriptions topographiques, mythologies et minéralogie, avec des annotations historiques et ethnographiques. Il était sans doute accompagné de cartes, aujourd’hui perdues. Le passage sur l’Asie est plus détaillé que les autres régions. Ce sera une des sources importantes de la géographie au Moyen-âge, traduit en latin par Rufus Festus Avienus dès le IVe siècle; et il continuera à jouir d’une grande popularité pendant tout le Moyen-âge parmi les étudiants ; on le trouvait en tête de gondole dans les meilleurs librarii du quartier latin, au côté du « de Situ Orbis » de Pomponius Mela.

Mais voilà, les étudiants ont déserté la rue du Fouarre, les Mac Do ont remplacé les librarii et cet ouvrage est devenu rare … et même très rare puisqu’on ne recense en France que 5 exemplaires de cette édition, en comptant celui-ci.


Fig 2 Reliure. (Avec un air de déjà vu, normal, le plat inférieur figurait dans l’article De Sphera Mundi, les 2 ouvrages ayant été reliés ensemble, par l’étudiant, dian dian, dont on parlait plus haut)


La Bibliothèque curieuse, historique et critique ou Catalogue raisonné de livres difficiles à trouver de David Clément (1762) décrit cet ouvrage de la façon suivante : « Monsieur Bunneman conserve cette édition rarissime qui est peu connue. Elle n’a ni titre, ni chiffre, ni réclame, ni signature. (Ce qui n’est pas exact pour la signature). Elle commence par l’inscription que j’ai copiée en tête de cet article, & est fort bien imprimée en beaux caractères romains. Conrad Gesner n’est pas content de cette version, dans sa Bibliotheca, Tiguri, 1545…. Monsieur Gesner et ses continuateurs n’ont connu que l’édition de 1534, quoique cette version ait été imprimée diverses fois dans le cours du XVème siècle. Notre édition n’est pas la première, Mr Goetze en indique une édition plus ancienne dans ses Merckwüdigkeiten des Konigl. Bibliotheck zu Dresden, vol II p 106 »

Il est exact qu’une édition imprimée également à Venise par Bernhard Maler, Erhard Ratdoldt, et Peter Löslein, en 42 pages précède d’un an celle de Renner de Heilbronn. On trouve ensuite des réimpressions de la traduction de Beccarie en 1498 (Venise, de Pensis) et 1499 (Paris, Kerver) ainsi que des versions de la traduction de Priscianus en 1497 (Rome), 1499 (Cologne et Deventer).


Fig 3 Massilya.


Si cet ouvrage m’intéresse particulièrement ce n’est pas seulement pour sa belle typographie, mais parce qu’après avoir décrit les terres en partant de l’Est (Normal quand on habite Alexandrie !), notre Denys arrive aux confins du monde habité, c'est-à-dire le nôtre. Il représente le Monde connu comme une ile, entièrement située au dessus de l'équateur, s'étendant de Thulé (Islande?) à la Libye (Afrique) et limitée par l'Inde et les rives du Gange à l'Est, en citant les Chinois et Tibétains.

Il s’intéresse à l'existence des Celtes, au delà des Pyrénées. La mer d'Ibérie se présente tout d'abord... Puis lui succèdent les ondes Galatiques, où s'étend la terre de Massalie, avec son port contourné. À la suite se déploie, la mer Ligystique, et des terres habitées de peuplades aux rites étranges... Il décrit les coutumes des assemblées de femmes et d'enfants sous les peupliers et le ramassage de l'ambre couleur de l'or. A lire Denys, on ne dirait pas que les romains sont passés par là !

Tout au long de son ouvrage, il donne la localisation de nombreux minéraux et pierres fines, d'Europe et d'Asie mineure.

Mais, le mieux est encore de le lire :


Fig 4 Le territoire des Celtes.


« Après eux (les Ibères), ce sont les Pyrénées et les demeures des Celtes, près des sources de l'Éridan aux belles eaux. Sur ses bords jadis dans la nuit solitaire, les Héliades gémissantes pleuraient Phaéton, et là, les enfants des Celtes, assis sous les peupliers, recueillent les larmes de l'ambre qui a l'éclat de l'or. À la suite sont les demeures de la terre Tyrsénide (Tyrrhénienne), à l'orient de laquelle on voit commencer les Alpes, et du milieu d'elle les eaux du Rhin roulent au bout (du monde), vers les flots de la boréale Amphitrite. »

C’est aussi dans cet ouvrage que l’on apprend pourquoi, nous autres Gaulois, nous sommes portés sur la cervoise tiède :


Fig. 5 Les Celtes et les rites de Bacchus.


« Près (des îles Bretonnes), il est un autre groupe d'îlots, et sur la côte opposée, les femmes des braves Amnites célèbrent en des transports conformes au rite les fêtes de Bacchus, elles sont couronnées de corymbes de lierre, et c'est pendant la nuit, et de là, s'élève un bruit, des sons éclatants. Non, même dans la Thrace, sur les rives de l'Absinthe, les Bistonides n'invoquent pas ainsi le frémissant lraphiotès; non, le long du Gange aux noirs tourbillons, les Indiens avec leurs enfants ne mènent pas la danse sacrée du frémissant Dionysos, comme en cette contrée les femmes crient : Evan ! »

Bertrand, les rives de l’Absinthe, cela ne vous rappelle rien ?


Fig 6 Colophon.


Bonne Journée !
Textor

(1) Collation: In-8 de 36 ff (Sign. a-c 8, d-e 6) a1r Propos liminaires adressés à Hieronymus de Leonardis,a3r texte, e5r colophon, e5v table, e6v blanc. Titre-incipit de 4 lignes imprimées en rouge, 26 lignes par page, table sur 2 colonnes, notes imprimées en marge, initiales noires sur fond blanc. Type: 5:109bR. Trous de vers, touchant qq lettres mais ne gênant pas la lecture.

Références : H *6227; GW 8427; BMC V, 195 (IA. 19865); BSB-Ink. D-178; Hoffmann I, 594; Klebs 340.2; Goff D-254


lundi 25 janvier 2010

De la bibliophilie moderne ou De la théorie de l’homme pressé, conte moderne.



© copyright Claude BOUR


Quelque évènement du moment m'aura entrainé sur les pas d'un conteur... voici ce qu'il a dit :

Il était une fois, dans un monde moderne où tout allait très vite, des hommes de bonne volonté qui pensaient qu’il était bien de suivre le mouvement. Ils allaient donc très vite.

L’amoureux des livres, ce personnage assez fantasque, s’accommodait assez mal de cet état de fait, lui qui avait besoin de prendre son temps pour aimer les livres.


Pourtant le monde allait ainsi et tout le monde semblait acquiescer en silence à cette frénésie ambiante. Le Bibliophile n’était pas serein.

Tous les jours ou presque, des tonnes de livres étaient déversées sur les tables recouvertes de feutre rouge de la Grand’Salle. Les marchands, pour répondre comme un écho à cet affolement général organisé, se pressaient. Les marchands achetaient, achetaient et achetaient encore. Les marchands vendaient, vendaient et vendaient encore.

Les Bibliophiles ne savaient plus où jeter leurs yeux avides de belles choses. Le monde s’enivrait.
Et puis dans cet affolement général, au milieu des hécatombes, parmi les nuées livresques, il y avait désormais le chaos. Quelques uns essayaient, dans ce brouhaha, de rester sages et vigilants, d’autres au contraire, suivant le tourbillon, se perdaient définitivement dans le bruit. Le livre était oublié, piétiné, saccagé, détruit.

O ! non pas qu’il le fut vraiment ! Mais ce qui lui arriva fut pire encore.


De ce beau livre en maroquin plein signé d’une belle main d’un artisan des plus habiles, celui-là avait oublié de signaler un envoi manuscrit d’un hôte d’importance, une histoire s’effaçait. De cet autre, relié en simple veau, cet ex libris qui l’honorait tant n’avait pas été vu. De cet autre encore, relié à la fin du XIXe siècle par Chambolle-Duru, avec deux beaux ex libris bien signalés, c’est un dessin original délicatement peint à l’aquarelle et à la gouache sur le faux-titre qui avait été omis.


L’histoire des livres s’efface entre les mains des hommes de peu de foi disait le Prince de cette contrée ou tout allait décidément trop vite.

Comme ces belles illustrations des livres de contes s’effaçaient si les enfants n’y croyaient plus.

La mémoire des beaux livres s’effaçait dans la course infinie des hommes.


Mais il fallait aller vite, très vite, encore plus vite. Les livres, à peine passés d’une main, passaient dans une autre, on en oubliait presque l’essentiel. Le livre n’était plus devenu qu’une marchandise, le libraire un marchand.

Qui se souvient du temps où les livres dormaient des années sur les rayonnages des libraires indolents. Personne ne courait en ces temps reculés. Personne ne pleurait ces livres oubliés non plus.

Dans ce pays magique, où tout allait vite, l'homme ne suivait plus. Et bien d'autres choses encore que les livres lui échappaient désormais...

B.

dimanche 24 janvier 2010

Histoire sans paroles : L'objet mystérieux...



Dimensions totales : Hauteur : 120 mm / Largeur : 100 mm.


Épaisseur : 20 mm.


Inscriptions au dos du bois, à la plume : N°3 bis // Armes de Mme de Pompadour.


Dimensions des armoiries : Hauteur : 60 mm / Largeur : 51 mm.



Bon dimanche,
Bertrand

Grande et rare reliure de Séguy au décor continu, sur un livre publié par Vollard (1902). Expert dixit !




Il m'aura fallut tombé encore une fois par hasard sur la notice n°708 du catalogue de la cinquième vente du fonds de la librairie Pierre Berès (Pierre Bergé & Associés, 5e vente, troisième partie, 13 décembre 2006), vente à laquelle j'ai assisté d'ailleurs, pour retrouver une reliure de Séguy.

Mais quel Séguy ? Je vous invite à vous reporter au billet "Eugène-Alain Séguy, un décorateur de reliure méconnu" Vous pourrez lire dans les commentaires liés à ce billet qu'il y a débat sur l'identité de ce décorateur du début du XXe siècle.

Je vous laisse lire la fiche du catalogue Berès qui, fort d'une estimation 10 / 15.000 euros n'en donne pas plus pour autant d'informations précises sur le "Séguy" dont il est question. Cette reliure a été conçue en collaboration avec M. Albinhac.


Cliquez sur l'image pour l'agrandir


Nous retiendrons le commentaire final :

"Séguy publia notamment de superbes recueils de planches de modèles décoratifs en couleurs par phototypie. Il créa peu de reliures. Elles mettent en oeuvre des factures originales et sont parmi les reliures d'artiste novatrices les plus marquantes du XXe siècle."

Je ne doute pas que les commentaires qui seront ajoutés à ce billet permettront d'en savoir un peu plus sur qui était vraiment ce Séguy décorateur de reliure.

Alors ? Émile ou Eugène ?

A vos tablettes,

Bon dimanche,
Bertrand

vendredi 22 janvier 2010

Connaissance de la reliure par l'image. Maroquin à dentelle et son papier décoré, sur un Almanach Royal pour l'année 1746.




Almanach Royal. Année 1746. In-8.
Paris, Veuve d'Houry et Le Breton, 1746.
Maroquin rouge décoré (reliure de l'époque).





Papier de doublure et de garde. Papier décoré à fond d'or et orné d'un décor d'arabesques légèrement gaufrées imprimées en rouge. Aucune mention de fabricant. Très joli papier sans doute d'origine allemande (Augsbourg ?).


Nous sommes ici en présence d'un bel exemple de reliure décorée aux petits fers dorés, avant que Pierre-Paul Dubuisson et la mode des plaques décorées ne soit encore en vogue sur ce type d'ouvrage.

Bonne soirée,
Bertrand

jeudi 21 janvier 2010

Eugène-Alain Séguy (1890-1985), un décorateur de reliures méconnu.


Le 5 janvier dernier je vous présentais deux beaux volumes grand in-4 ornés chacun d'un cuir incisé, repoussé, pyrogravé et peint. Ces cuirs incisés se trouvaient incrustés dans le premier plat de volumes dont le corps d'ouvrage et la dorure avaient été réalisés par l'excellent relieur Emile Carayon, au tout début du siècle. Je m'interrogeais alors sur l'identité de l'artiste qui avait bien pu réaliser ces cuirs incisés et qui avait laissé sa signature-monogramme EAS au bas de chacun. Jusqu'à hier après-midi je n'avais aucune idée de la réponse. C'est encore une fois le hasard des lectures de catalogues de vente de livres qui m'a fourni la solution à cette énigme.

Je parcourais hier le catalogue de la vente des livres de la bibliothèque de Jean Bloch, 70 livres choisis, du jeudi 10 décembre 2009, à Paris, chez Pierre Bergé et associés (catalogue que vous pouvez télécharger ICI). Mon regard fut arrêté net sur la photographie qui illustre le n°13. Je reconnais, en tout petit mais bien visible, le monogramme EAS en lettres Art Nouveau entrelacées, dont je vous avais fourni une photographie le mois dernier d'après mon exemplaire.


Signature-monogramme EAS (pour Eugène-Alain Séguy),
estampée à froid au bas des cuirs décorés.


Il ne me restait plus qu'à lire attentivement la notice consacrée à cet ouvrage dans ce catalogue fort bien illustré et dont les exemplaires sont bien décrits. Il est écrit :




"BERTRAND (L. J. Napoléon, dit ALOYSIUS). Gaspard de la nuit. Paris, Vollard, 1904, in-4°, plats recouverts d'un décor en cuir teinté, oxydé, pyrogravé et sculpté à motifs de branchage et de grenade éclatée, avec têtes de nacre en relief, dos muet à nerfs, bordure intérieure de même peau, doublure formée de deux aquarelles originales signées (EAS) Séguy, couverture et dos, tête dorée, boît à rabat (E.-A. Séguy). 213 illustrations par Armand Séguin (1869-1903), gravées sur bois par les frères Beltrand. Un des 230 exemplaires sur vélin à la forme fabriqué spécialement pour cette édition, par Van Gelder. Légères rousseurs éparses.

L'une des rares reliures d'Eugène-Alain Séguy (1890-1985). Connu pour ses travaux sur les arts graphiques, il publia entre 1910 et 1930 trente albums de modèles de décors d'esprit Art déco. En revanche, nous savons très peu de choses sur son activité de décorateur de reliures. On sait qu'il travailla pour quelques grands mécènes : Hirsch, Renevey, Sainsère, ... Comme son homologue nancéen Prouvé, il est fort probable que Séguy confiait le corps de l'ouvrage à des praticiens de renom, notamment Durvand et Albinhac, et ne s'occupait que du décor. Les reliures que nous avons localisées recouvrent des ouvrages publiés entre 1902 et 1910 par Pelletan, Vollard, les Cent Bibliophiles (A Rebours illustré par Lepère), Pellet, ... On les retrouve aujourd'hui dans les plus grandes collections aussi bien publiques que privées : la Bibliothèque nationale en acquit une en 1976 lors de la vente de Melle Dousse, la fondation Gulbenkian en possède également une, et quelques collectionneurs avisés en ont récemment enrichi leurs rayons.

Crauzat, I, p. 113 ; Musée Calouste Gulbenkian, le Livre-Objet d'art, 1997, p. 102 ; Cl. Guérin, Bibliothèque de Melle Dousse, 1976, n°43 ; Pierre Berès, Importants livres illustrés et oeuvres originales d'artistes..., 1978, n°21 (A Rebours), n°29 et n°43 ; Marcilhac, Succession Nourhan Manoukian, 1993, n°9 (A Rebours).

Estimation 12.000 / 18.000 euros (Résultat 17.000 euros)."

On en sait désormais bien plus sur ce décorateur qui signe ses cuirs des lettres EAS, Eugène-Alain Séguy donc !



Je tourne encore quelques pages du catalogue de la vente Bloch, et belle suprise, le n°15 est également une reliure décorée par Eugène-Alain Séguy (sur Dante Alighieri. Vita Nova. Paris, Le Livre contemporain, 1907, in-4. Illustrations de Maurice Denis gravées sur bois par Jacques Camille et Georges Beltrand. Tirage à 130 ex.). Il est dit de cette autre reliure décorée par Séguy :

"Intéressante reliure aux couleurs pastel de Séguy, peut-être une commande de Sainsère, qui lui demanda probablement de lui relier aussi son exemplaire d'A Rebours illustré par Lepère, réapparu en 1993 dans la vente de la collection Manoukian." Provient du fonds Berès. Estimation 18.000 / 22.000 euros (Résultat : 18.000 euros).

Voici donc une énigme résolue. On aimerait évidemment en savoir plus. On sait cependant désormais que Eugène-Alain Séguy a travaillé pour ou en collaboration avec le relieur Emile Carayon dans les premières années du XXe siècle. Les cuirs qui ornent les reliures que je vous avais présentées et que je vous présente à nouveau ci-dessous.



Deux cuirs incisés, sculptés, pyrogravés, teintés et peints par Eugène-Alain Séguy (1890-1985),
incrustés dans les premiers plats de la Dame de Monsoreau d'Alexandre Dumas (éd. Calmann-Levy, 1903, 1/100 ex. sur papier de Chine avec suite), sur un corps d'ouvrage réalisé par le relieur Émile Carayon.




Ce type de décor n'avait pas fait l'unanimité, loin de là. C'est en fait assez rassurant, on pourrait même dire réjouissant, prouvant par là que de belles découvertes restent encore à faire d'ouvrages négligés ou rejetés d'une majorité d'amateurs. A croire que seules les femmes sont sensibles à ce genre de choses...

On voit bien qu'en pays de Bibliophilie la curiosité donne réponse à tout, ou presque...

Bonne journée,
Bertrand

Note : Emile Carayon meurt le 26 janvier 1909. En 1909 Eugène-Alain Séguy était âgé de 19 ans seulement. Si la reliure, qui est signée Émile Carayon, a été exécutée par lui, ce serait donc là un travail de jeunesse et sans doute un de ses tout premiers exercices de décoration de reliures par Eugène-Alain Séguy. Ce qui est étonnant c'est qu'à peine âgé de 19 ans, Eugène-Alain Séguy signait déjà ses compositions sur cuir de son monogramme EAS. De ce qu'on a pu lire plus haut il semble évident que le jeune Eugène-Alain Séguy n'a pas poursuivi longtemps son activité de décoration de reliures d'art, et ce pour ce consacrer aux autres arts décoratifs (décor de tissus notamment). On ignore encore beaucoup trop de choses sur la vie de cet artiste pour pouvoir aller plus loin pour le moment. Il reste sans doute tant de choses à découvrir !

mercredi 20 janvier 2010

Une reliure psychédélique avant l'heure...




Optic' Art Binding


Le Bibliomane moderme ne recule décidément devant rien pour vous offrir du sensationnel, de l'exceptionnel, du merveilleux ! Dans le cas présent, il va falloir prendre un vrai recul (au sens propre comme au sens figuré) pour apprécier à sa juste valeur cette reliure "psyché".

Le terme psychédélique est un néologisme issu du grec (de 'Psyche', âme et de 'delos', visible, clair ) qui signifie "révélateur de l'âme". Il est, me semble-t-il, justifié dans le cas présent.

La reliure que je vous présente aujoursd'hui est un bradel pleine toile imprimée marron et blanc, toile entièrement décorée d'un jeu de perspectives géométriques façon Vazarely (Victor Vasarely, de son vrai nom Vásárhelyi Győző (9 avril 1908 - 15 mars 1997) est un plasticien, reconnu comme étant le père de l'art optique ou Op art.).

Nous sommes ici en plein Optic' Art Binding !!

A vrai dire c'est bien la première fois que je vois une reliure de la sorte. C'est assez douloureux pour les yeux, il faut le dire... Mais c'est original.

Ce qui est amusant, c'est que le premier terme qui m'est venu à l'esprit pour qualifier cette reliure étrange, est celui de "psychédélique", qui signifie donc "Révélateur de l'âme", or, elle recouvre l'édition originale L'âme nue par Haraucourt (Paris, Charpentier, 1885, 1/30 sur papier de Hollande).

Sans doute un hasard de terme et de titre purement fortuit ??? Encore que...



Cette reliure me semble avoir été exécutée avant les années 1920-1930 si je me réfère au papier de garde (papier à la colle) et aux tranchefiles qui sont typiques des tranchefiles en tissu rayé des années 1890-1920. Peut-être cette reliure date-t-elle même des premières années du XXe siècle ?? Vazarely y est-il pour quelque inspiration ?

Je vous livre cela en mode brut. A vous de vous faire votre idée sur la question. Avez-vous déjà rencontré ce type de tissu utilisé dans la décoration de reliures ?

Bonne journée,
Bertrand

mardi 19 janvier 2010

Revue de presse et le Bibliomane moderne


Message reçu ce jour 19 janvier 2010 :


"Bonjour

L’équipe d’AbeBooks suit régulièrement l’actualité littéraire grâce à votre blog.

La vocation de notre site Internet est de mettre à disposition des passionnés de livres et des collectionneurs une vaste sélection d’ouvrages. En effet, AbeBooks est une plate-forme en ligne sur laquelle 110 millions de livres neufs, d'occasion, anciens et rares sont mis en vente par des milliers de vendeurs du monde entier. Nous souhaiterions partager avec vous les nouveautés de notre site qui peuvent intéresser les visiteurs de votre blog.

La liste des livres les plus chers vendus sur AbeBooks en 2009 est l’une de nos pages les plus récentes et une des plus appréciées de notre site. Sur cette liste figurent des ouvrages rares voire uniques. Ainsi, des livres de Lewis Carroll, Charles Darwin ou John Keats, par exemple, ont été acquis à prix d’or.
Retrouvez ici la liste complète :

http://www.abebooks.fr/livres/livres-plus-chers-2009.shtml

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement supplémentaire.

Cordialement,

Fatima-Zohra Ghedir | Marketing, France
AbeBooks.fr Passionnés de livres.

fghedir@abebooks.com
tel : +49 211 711 70 69 41 | fax: +49 211 711 70 69 19

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www.abebooks.com | www.abebooks.co.uk | www.abebooks.de
www.abebooks.fr | www.abebooks.it | www.iberlibro.com

AG Düsseldorf, RC (HRB) 378 99 | Directeurs généraux : Ulrich Brand, Dr. Hannes Blum

Ce message est l'occasion que vous nous disiez ce que vous pensez de ce palmarès à connotation fortement bibliophilo-anglo-saxone ?

Qu'en pensez-vous ?

B.

Octave Uzanne... toujours et encore !! Un infatigable revuiste.




Au risque de lasser (le lecteur est roi à ce qu'il parait... mais moi je n'y crois pas un instant - sourire), voici encore quelques lignes et quelques images consacrées à Octave Uzanne et ses Œuvres. Plus exactement, voici, présenté à vous, un exemplaire d'un livre dont je voulais vous parler depuis déjà pas mal de temps, un peu plus d'un an à vrai dire.


Octave Uzanne est désormais connu des lecteurs fidèles du Bibliomane moderne. Je passerai donc sur ses premières oeuvres (Les caprices du Bibliophile, Son altesse la femme, La Française du siècle, etc), pour ne vous parler que d'Octave Uzanne revuiste. Octave Uzanne collabore tout d'abord à une petite revue de bibliophiles "Le Conseiller du bibliophile", dirigée par Camille Grellet (1876-1877), c'est dans cette revue qu'il donne sous divers pseudonymes de jolis articles sur l'amour des livres, la bibliophilie et la bibliographie. Cette revue ayant tourné court, Uzanne lance en 1880 une revue intitulée Le Livre, revue de bien belle allure qui durera jusqu'en 1889 (10 forts volumes de bibliographie moderne et 10 forts volumes de bibliographie rétrospective, abondamment illustrés de nombreuses eaux-fortes, portraits, etc). Cette revue prend fin alors que janvier 1890 voit naitre une nouvelle et belle revue intitulée Le Livre moderne d'un format différent (Le Livre était grand in-4 et Le Livre moderne grand in-8), réalisée d'aussi belle manière (imprimée sur papier vergé des Vosges - Tirage à 1.050 ex. numérotés - 1.000 vergé - 20 Japon - 15 Chine - 15 Whatman). Cette revue devient l'œuvre quasi exclusive d'Octave Uzanne avec quelques collaborations pour la plupart anonymes ou pseudonymes. Les illustrations sont encore d'excellentes qualité et présentes à profusion dispersées dans les 4 volumes que comptera la revue. Le Livre moderne parait jusqu'à la fin de l'année 1891. Cette revue est une pure merveille pour le bibliophile sensible aux belles choses imprimées, illustrées, bien mises, en deux mots, bien pensées. Cette revue meurt de sa belle mort le 10 décembre 1891. Je vous laisse lire l'avis de décès...



Problèmes financiers ? Manque de collaborations ? Lassitude de la part d'Octave Uzanne ? Je n'ai pas encore trouvé d'explication totalement satisfaisante à cette mort prématurée.


Quoi qu'il en soit, Uzanne lance le 20 janvier 1892 une nouvelle revue intitulée "L'Art et l'Idée, Revue contemporaine du dilettantisme littéraire et de la curiosité". Beau programme. Le format est identique au Livre moderne. Cette nouvelle revue comptera 2 volumes, parus en livraison de janvier 1892 à décembre 1892. Elle dure donc une année seulement. Uzanne s'est essoufflé. N'a-t-il pas présumé de ses forces ? C'est à craindre. En tous les cas, ce qui est certain, c'est qu'avec cette dernière revue (Uzanne n'en fondera pas d'autres), il s'éloigne inexorablement de la bibliophilie pour aller s'aventurer sur les chemins de la bibeloterie. On y trouve des articles sur la décoration intérieure des appartements dans le goût de l'époque, des articles sur différents artistes, des considérations sur l'habillement, la mode, etc. Cette revue reste cependant supérieurement illustré. C'est encore une fois un régal pour les yeux, même si le bibliophile que je suis s'y retrouve moins.



De ces trois revues que je possède, seul Le Livre moderne est supérieurement habillé. (Je possède un exemplaire broché de la revue Le Livre et l'Art et l'Idée dans une méchante reliure du début du XXe siècle du plus mauvais goût...) Mon exemplaire du Livre moderne se présente en 4 volumes grand in-8 reliés demi-maroquin à coins par Petrus Ruban. Les dos sont ornés de fers spéciaux que l'on retrouve en décor sur les couvertures imprimées en couleurs de la revue. L'exemplaire est en parfait état, on peut dire à l'état de neuf. Il est bien complet de la Table générale publiée l'année suivante (1892) ainsi que de toutes les couvertures illustrées et tirées à chaque livraison sur un papier de couleur différente, en parfait état. La reliure est très certainement une reliure "éditeur" puisqu'on retrouve Petrus Ruban en publicité sur les couvertures imprimées conservées. Quoiqu'il en soit c'est bien agréable d'avoir en mains un exemplaire de cette qualité. Peut-être un jour aurais-je la chance de découvrir un exemplaire sur Chine relié en plein maroquin plein mosaïqué, mais en attendant, je suis comblé.

J'ai acheté cet exemplaire à Champerret l'an passé. (Eric et Xavier ont été les témoins de ce mariage probable et peu hésitant entre un amoureux des beaux livres et un exemplaire désirable) 750 euros. Je n'ai pas discuté le prix qui me paraissait correct. étant donné la qualité de l'exemplaire La petite histoire veut que cet exemplaire ait été celui d'un libraire renommé du nord de la France de la première moitié du XXe siècle et dont la riche bibliothèque de documentation a été vendue ces dernières années par sa fille ... Racontars de libraires à bibliophiles ou vérité vraie... je n'ai aucune marque de provenance à l'intérieur pour venir étayer ces dires... alors je rêve...

Bonne journée,
Bertrand

lundi 18 janvier 2010

Octave Uzanne et ses cartes biblio-artistiques (suite).


Pour faire suite au billet d'hier Octave Uzanne et ses cartes biblio-artistiques voici une autre eau-forte tirée en camaïeu, vignette dont je n'ai pu faire l'acquisition... malheur de malheur ! Je ne suis pas seul à m'intéresser au Monsieur de ces dames !! Damned ! Si je tenais le gredin... (Jean-Paul j'espère que ce n'est pas toi...)

Bref, j'avais eu la présence d'esprit de faire une copie d'écran de cette estampe pour la conserver à titre d'archive. Peut-être la croiserais-je à nouveau très bientôt...



Si quelqu'un en sait plus sur cette estampe ?

Bonne semaine,
Bertrand

dimanche 17 janvier 2010

Octave Uzanne et ses cartes biblio-artistiques.


Je continue mon voyage initiatique à travers les cartes de vœux de l'Octave. Il n'en n'était pas avare ! Je vous invite à lire ou relire le dernier billet sur le sujet ICI.

Voici deux nouvelles cartes de vœux du maître. Ou plutôt deux tirages d'essai. En effet, la première, tirée en bistre sur vieux japon mince n'a vraisemblablement jamais été destinée à porter les mots manuscrits d'Octave Uzanne pour la bonne année 1891. Le papier japon mince ne se prêtant pas du tout à l'écriture. Il s'agit d'une eau-forte mesurant 120 x 100 mm (cuvette). Elle n'est pas signée. La femme en arrière plan fait penser à une composition qu'aurait pu réaliser Félicien Rops, mais je n'ai aucune certitudes à ce sujet. Voir ci-dessous.




Le second modèle de carte, tiré en couleurs sur papier japon impérial (100 x 75 mm pour le dessin), n'est pas une carte de vœux mais une carte de "compliments". Dans les deux cas, l'adresse est au 17, quai Voltaire. Voir ci-dessous. Je n'ai aucune idée de l'artiste. On pourrait penser à G. Fraipont ?



Je ne désespère pas d'en dénicher d'autres très prochainement.

Bon dimanche,
Bertrand

vendredi 15 janvier 2010

Charles de Lasteyrie ou les débuts de la Lithographie.


Une fois n’est pas coutume, je vous présente aujourd’hui un ouvrage du XIXe siècle ; une rareté textoresque, si j’ose dire, puisque ma bibliothèque compte très peu d’ouvrages de cette période !!

Un libraire de Bécherel me l’avait cédé, il y a quelques années pour quelques euros, sans pouvoir me dire qui était l’auteur, le graveur ou quoi ou qu’est-ce. C’est une méchante petite chemise, contenant quelques pages ni reliées ni brochées. Son titre : « Vues de différentes habitations de J.J.Rousseau avec son portrait et le fac-similé d’un air de musique de sa composition, pour faire suite à ses œuvres, Paris, de l’imprimerie lithographique de C.de L…., rue du Bac n°58, 1819 » (1)

Cet ouvrage m’avait plu car il contient 2 gravures des Charmettes, qui fut une des villégiatures de Rousseau, au dessus de Chambéry, endroit agreste et bucolique (romantique devrai-je dire) où l’on imagine bien l’auteur des Rêveries d’un Promeneur Solitaire herboriser ici et là dans la montagne savoyarde.

Le livre est resté longtemps dans mon catalogue avec pour seule mention, gravures de C. de Last. (Et d’ailleurs c’est sous ce nom qu’on le trouve parfois en vente sur internet ! Ce qui n’est pas vraiment faux, mais juste incomplet....). Il aurait certainement continué à vivre là dans sa condition misérable de brochure anonyme, sans espérer jamais connaître les joies médiatiques du Bibliomane Moderne, si, par le plus grand des hasards, je n’étais tombé sur un exemplaire similaire (mais moins bien conservé !). Et devinez où ? Dans la vitrine d’un libraire du carré VIP, au salon du Grand Palais !!

Alors là ! Que faisait ma brochure entre 2 manuscrits à 250 000 euros … ? Mystère ! Je sors illico mon ouvrage. (En prenant mille précautions, cette fois-ci) et j’entame de sérieuses recherches.


Fig 1 Chemise de papier recouvrant l’ouvrage, non relié ni broché, tel qu’envoyé en livraison aux souscripteurs. L’adresse mentionne rue Taranne n°12



Fig 2 Page de titre, à l’adresse de la rue du Bac ? n° 58.


En fait, c’est une des premières productions d’une technique d’impression nouvelle, dernière étape avant les productions industrielles offset : la lithographie, dont l’un des pionniers est l’auteur de ce livre : le comte Charles-Philibert de Lasteyrie.

La lithographie est une technique d'impression et de reproduction des textes et des images mise au point fortuitement, entre 1796 et 1799, par Aloys Senefelder, un auteur dramatique allemand qui cherchait à diffuser ses œuvres à moindres coûts.

Le procédé est connu ; il repose sur deux éléments : l'emploi d'une encre ou d'un crayon gras pour dessiner sur une pierre enduite préalablement d'une solution composée de gomme arabique et d'acide nitrique. Les parties non dessinées restent humides grâce aux qualités hydrophiles de la gomme, si bien qu'au moment de l'encrage, ces parties « rejettent » l'encre. A l'inverse, les parties grasses (les parties dessinées) retiennent l'encre.

Par rapport à l'estampe traditionnelle, la lithographie est un procédé assez facile à mettre en œuvre et qui ne demande pas l'intermédiaire d'un graveur professionnel. Aloys Senefelder lui voyait un grand avenir pour un certain nombre de travaux commerciaux: tableaux, lettres, circulaires, lettres de change, factures, cartes de visite, etc. Lui-même produit des partitions musicales, suscitant bientôt l'intérêt d'un marchand de musique de la ville d'Offenbach, Johann André.

En 1800, les 2 compères s'associent. Les premiers essais de lithographie artistique remontent à cette date : Philippe André, parent du précédant, s'installe à Londres et envoie des pierres à tous les artistes importants avec des instructions. Une lithographie de Benjamin West est datée de 1801; en 1803, André publie les Specimens of Polyautography ; des Lithographische Kunstprodukte paraissent à Munich en 1805. La France ne s'ouvrit que plus tardivement à la nouvelle technique : les premiers essais furent limités à la production de partitions musicales, puis progressivement des illustrations lithographiques apparurent, notamment pour le Voyage dans les départements du Midi de la France d'Aubin-Louis Millin.

Ce n'est qu'en 1816, quand Engelmann et Lasteyrie ouvrirent leurs ateliers, que la lithographie se développa.

Godefroy Engelmann, fils d'un négociant mulhousien, est un esprit pragmatique, qui a l'expérience de la fabrication des tissus imprimés. Parti se former à la lithographie auprès de Senefelder en 1814, il crée, à son retour en Alsace l'année suivante, la « Société lithotypique du Haut-Rhin».

Charles de Lasteyrie ouvre son atelier à Paris en avril 1816. La lithographie est alors à la mode, des membres de la famille d'Orléans s'y étaient essayés, et d’ailleurs, en 1819, il se qualifie de Lithographe du Roi et de S.A.R. le duc d’Angoulême.


Fig 3 Rousseau herborisant.


« Je me levais tous les matins avant le soleil ; je montais par un verger voisin dans un très joli chemin qui était au dessus de la vigne, et suivait la côte de Chambéry. Là, tout en me promenant, je faisais ma prière, qui ne consistait pas en un vain balbutiement des lèvres, mais en une sincère élévation de cœur à l’auteur de cette aimable nature … » (Confessions, part I, liv. VI p 93)

A partir de là, tout va très vite. Dès 1820, les chefs-d'œuvre se multiplient. Le baron Taylor l'adopte pour l'illustration de ses fameux Voyages pittoresques (en collaboration avec Nodier), qui commencent à paraître en 1820. Les imprimeurs lithographes deviennent nombreux.

Beaucoup d'artistes s'essaient à la pierre, et certains en font leur profession, comme Charlet, qui jouit d'une grande popularité. Goya explore audacieusement les possibilités de cette technique dans les Taureaux de Bordeaux (1825), la génération de 1830, Delacroix en tête, est tout acquise à la lithographie, dont la floraison est stupéfiante.



Fig 4 et 5 Les Charmettes.


« Après avoir un peu cherché, nous nous fixâmes aux Charmettes, terre de Mr de Conzié, à la porte de Chambéry, mais retiré et solitaire, comme si l’on était à cent lieues. …. J’étais transporté le premier soir que nous y couchâmes. O Maman ! dis-je à cette chère amie en l’embrassant et l’inondant de larmes d’attendrissement et de joie, ce séjour est celui du bonheur et de l’innocence. Si nous ne les trouvons pas ici l’un et l’autre, il ne les faut chercher nulle part. » (Confessions, part I, liv V, page 75)

Les vues des maisons de J.-J. Rousseau ne sont pas des chef-d’œuvres, loin s’en faut, mais elles ont du pittoresque et sont bien dans le style de cette période. Enfin, je vous laisserai me donner votre avis d’expert, sur ces figures mais aussi sur les productions de Charles de Lasteyrie que vous auriez pu rencontrer dans vos quêtes inlassables de vieux livres.



Fig 6 et 7


Bonne journée
Textor

(1) 27 pp., fac-similé, portrait et 11 planches lithographiées hors-texte. Manque à Johnson, French Lithography et à Twyman, Early lithographed books. Manque à la Bn. Édition originale. Vignette de titre, 8 culs-de-lampe gravés sur bois, partition de Rousseau en fac-similé, portrait de Rousseau en pieds herborisant par Mayer et 11 belles vues d'architecture par Lameau (sauf une signée A. R.) montrant ses différents logis, lithographiés hors texte par le comte de Lasteyrie.

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