lundi 31 mai 2010

Sur les traces d’Alexandre Aliatte, libraire, imprimeur et relieur parisien (1503)


Amis bibliophiles, je vous demande de méditer cette pensée abyssale : « L’imprimeur, plus que tout autre artisan de son époque, laisse une empreinte… ». Il n’est pas anonyme comme la plupart des bâtisseurs de cathédrales, des lissiers ou des orfèvres. Il est possible de suivre ses déplacements professionnels plus facilement que ceux des peintres ou des ébénistes. On connait l’évolution de son matériel, ses changements de fonte, et même ses goûts liés à sa production éditoriale.

Mais voilà, pour autant, certains d’entre eux laissent une image assez floue de leur activité. C’est le cas d’Alexandre Aliatte, imprimeur épiphytes, qui exerça pendant une période incertaine entre 1497 et 1505, peut-être 1509; Qui était ce mystérieux personnage ? Était-il au moins imprimeur ? Pas sur. Libraire, alors ? Et relieur, aussi ?

J’avais sur mes rayonnages depuis quelques années deux opuscules à son adresse. Mes recherches n’avaient pas donné grand-chose jusqu’à ce que Bertrand me donne un coup de pouce grâce à ses ipods, ipads et autres connexions internet (+ son savoir encyclopédique) Voilà le résultat de cette enquête que vous allez certainement pouvoir compléter de quelques petits renseignements dont vous avez le secret.

Fig 1 la marque n°4 d’Alexandre Aliatte.


Sa marque, d’abord. Une banderole enroulée autour d’un arbre sans feuille, ou porteur de fruits, surmonte un globe à demi immergé sur lequel figure son chiffre. La banderole porte le nom de l’imprimeur en toutes lettres : Alexandro de Me(dio)l(an)o.
Dans l’encadrement du bois, sa devise : A fructibus eorum cognoscetis eos " c’est à dire " Vous les reconnaîtrez à leurs fruits " (Math. VII, 16).
Cette marque nous apprend donc qu’il était originaire de Milan. Renouard nous dit qu’il a utilisé 6 marques, dont la 4 et la 6 au XVIème siècle. Il s’agit ici de la marque n°4.
Le bonhomme cherche à brouiller les pistes internet visiblement et se fait appeler au hasard des ouvrages, Alexandre (juste tout court) ou Alexandre de Milan, mais encore Aliat, Aliatte, Altate, Haliate. Et enfin, ici Haliatte !!

Fig 2 La page de titre de l’Axiochus du Pseudo-Platon (1)


Cinq fontes de caractères peuvent être distinguées sur les rares ouvrages où il a laissé son nom. Une gothique de forme et une gothique de somme, une bâtarde et deux romaines. A l’exception de la bâtarde (très voisine de celle employée par Pierre Le Caron), toutes ses fontes sont identiques à celles utilisées par Josse Bade à la même époque !

Le type gothique de somme a été utilisé en Août 1500 dans l’Aureae Epistolae de Pic de la Mirandole et dans un « Carmen Lugubre de Dominica Passionis die » (Chant funèbre pour le jour de Pâques), sans date, que Renouard date d’environ 1505 par comparaison avec un Lactance imprimé par Josse Bade le 21 Janvier 1505 (1504 n.s.) à l’adresse de la Montée St Hilaire, près le collège des Italiens.

Cette datation est vraisemblable car le Carmen Lugubre, composé par Philippe Béroalde, dont il se trouve que j’ai la première édition, contient un commentaire de son élève, Josse Bade,, imprimé par Bade lui-même, à sa première adresse parisienne, les Lionceaux d’or ; elle est datée du mois de Juillet 1503, ce qui signifie que l’édition d’Aliatte, contenant également ce commentaire, est nécessairement postérieure. Il est amusant de constater que Josse Bade a utilisé une lettre romaine pour cette édition destinée aux intellos, alors qu’Aliatte choisira le gothique plus facile à lire pour le public de l’époque.

Fig 3 le Carmen Lugubre de Philippe Béroalde imprimé par Josse Bade en 1503


Fig 4 le colophon de Josse Bade Ascensius


Les lettres romaines du Carmen Lugubre imprimées par Josse Bade sont à comparer avec les romaines d’Aliatte, comme, par exemple, sur cette page du poème « Peanes divi Virgini » de Pétrarque (qui suit le Carmen Lugubre) avec cette lettre de Rodolphe Agricola, le traducteur de l’Axiochus, à Rodolphe Langio.

Fig 5 Poeme de Pétrarque, Peanes divi Virgini, Bade, imprimeur.


Fig 6 Lettre de Rodolphe Agricola, Aliatte, imprimeur.


Alexandre Aliatte brouille les pistes avec l’orthographe de son nom, mais aussi avec ses différentes adresses, qui sont bien nombreuses pour si peu d’années, à croire qu’il était poursuivi par la police.

En 1497, il est établi rue St Jacques, à l’enseigne de Sainte Barbe, la même année on le trouve devant le collège de Navarre, rue de la Montagne Sainte Geneviève. En 1499 et 1500, il est installé à la Montagne Sainte Geneviève, à l’image Saint Louis, près du collège de la Marche. En 1503, il est aux Lionceaux d’or à la Montée Saint Hilaire, près du collège des italiens. Enfin, en 1505, on le retrouve rue Saint Jacques, dans le quartier Saint Benoît (Pour ceux qui connaisse la faculté de droit du Panthéon, l’église St Benoit le Bétourné se trouvait exactement à l’emplacement actuel de la cafétéria de la fac !)

Pourquoi Aliatte squattait-il chez Josse Bade en 1503 ? On sait que c’est la mort de Trechsel, en 1498, et le remariage de sa veuve qui mirent Josse Bade dans l'obligation de quitter Lyon. Il s'installa alors chez Jean Petit, maison spécialisée dans l'édition des classiques, dès les premiers mois de 1499. C'est en 1503, donc à peine trois ans après son arrivée à Paris, que Josse Bade fondera sa propre imprimerie, le " Praelum Ascensianum " qui fonctionnera jusqu'à sa mort, en 1535. Il sera enterré dans l’église Saint Benoit précitée. Sa première adresse est à la Montée Saint Hilaire, à l’enseigne des Lionceaux d’or. Est-ce Josse Bade qui occupe les locaux d’Aliatte ou l’inverse : Chicken & egg’s problem !!

Autre hypothèse : Et si Alexandre Alliate n’avait jamais rien imprimé mais était « simplement » (si vous m’autorisez l’expression !) un libraire diffusant les productions de son entourage ? La mention portée sur l’Axiochus de Platon le suggère : « Venundatur ab alexandro Haliatte mediolanensi sub leunculis aureis e regione collegii italo », c'est-à-dire « en vente chez A Haliatte, aux lionceaux d’or, dans le quartier du collège des Italiens ». Ce qui en ferait le premier libraire nomade d’avant l’invention de l’internet ! (en mettant à part les colporteurs, évidemment)

Un autre ouvrage, sans date, du brescian Elie Cavriolo, le De Confirmatione Christianae fidei contient également l’adresse des Lionceaux d’or à la montée Saint Hilaire. (2)

Fig 7 Page de titre du Helias Capreolus


Cet opuscule débute par une épitre de l’auteur à Bernadino Fabio, évèque de Lésina en Dalmatie datée du 5 avril 1497, (Vous noterez la manière d’écrire la date, MXDvii, plutôt que MccccDxxxxvii), toutefois, les caractères, là encore identiques à ceux de Bade, suggèrent une impression postérieure, autour de 1503, compte tenu de l’adresse.
Il se termine par un petit texte d’une page, après le De Confirmatione, intitulé « Helias Caprolei Brixiani ad impetrandam propriorum reatuum veniam oratio ».

Fig 8 Epitre d’Elie Cavriolo à Bernadino Fabio.


Pour compliquer encore un peu plus le statut de notre libraire-imprimeur, Alexandre Aliatte aurait eu une activité de relieur. Une belle reliure à plaques représentant le Christ de pitié porte son nom (Aliat). Elle recouvre les sentences de St Grégoire sorties des presses d’Octaviano Scotto en 1503. Elle est conservée à la bibliothèque Sainte Geneviève et provient du couvent des Célestins (3). Trois autres ouvrages portant cette plaque sont signalés par Renouard.

On imagine bien comme la petite maison à l’enseigne des lionceaux d’or devait être une ruche en 1503, Josse Bade ahannant sur sa presse, pendant qu’Alexandro, avec sa faconde de méridional, faisait l’article aux badauds estudiantins pour tenter de placer quelques exemplaires du De Contemnenda Morte. « Je vous l’emballe ? » disait-il avant de se précipiter à l’étage pour terminer la reliure. ..

Avec le temps, la devise d’Alexandre Aliatte ressemble à un pied de nez aux chercheurs en pays de bibliophilie : Vous me reconnaitrez à mes fruits !

Bonne journée
Textor

(1) Coll : In 4, (4) ff n.ch. sign.A2 car.rom., titres courants, lettres d’attente, marque.
(2) Coll : In 4, (4) ff n.ch. sign.A2 car.rom., titres courants, manchettes, lettres d’attente, marque.
(3) Pour voir la reliure d’Aliatte, ici : http://bsg-reliures.univ-paris1.fr/recherche/image.php?src=images/FOLDSUP21RESPHOT-1.jpg&width=500

samedi 29 mai 2010

Iconographie moliéresque (Oeuvres, 1718, Compagnie des libraires, 8 volumes in-12). Suite de 32 figures.




Pour faire suite au billet précédent qui nous présentait la nouvelle édition dans la Bibliothèque de la Pléiade des Œuvres complètes de Molière, le Bibliomane moderne vous offre ce soir la suite complète des 32 figures de l'édition en 8 volumes publiés par la Compagnie des libraires en 1718.

Pour faire vite, disons que cette édition de 1718 est la reproduction de l'édition de 1710, également en 8 volumes. Concernant le texte, c'est celui de l'édition de 1682 augmentée de la vie de Molière par Grimarest. Les éditeurs des éditions de 1710 et 1718 ont ajouté de nombreuses pièces accessoires. Pour l'édition de 1710, la Compagnie des libraires qui se sont partagés les frais et les exemplaires sont : Michel David, Guignard, Aubouyn, Cavelier, Charpentier, Osmont, Ribou, Clousier et Trabouillet. Il semble que les associés de l'édition de 1718, huit années plus tard, soient encore les mêmes (l'extrait du privilège est celui de l'édition de 1710 et donne les mêmes noms). Une particularité amusante et intéressante à noter, des trois ou quatre exemplaires de cette édition de 1718 et de celle de 1710 que j'ai eu en mains, j'ai pu noter qu'à chaque fois le premier volume contient une page de titre au nom d'un libraire (dans l'exemplaire d'où sont extraites les gravures ci-dessous c'est le nom de Michel Clousier) tandis que tous les autres volumes portent "Par la Compagnie des libraires". Cette habitude de mettre une page de titre au nom d'un des libraires de la Compagnie en tête du premier volume devait permettre aux libraires de se partager un nombre fixé d'exemplaires une fois l'impression achevée. Peut-être même que chaque libraire récupérait ses exemplaires "en feuilles" et que chaque libraire faisait alors relier ses exemplaires à son goût pour sa clientèle.

Voici donc pour votre plaisir, l'intégralité de la suite de 32 figures de l'édition de 1718. Les estampes, bien tirées, ont été refaites sur l'édition de 1710, toujours à l'imitation des figures de l'édition de 1682. Comme le signale la Bibliographie Moliéresque de Paul Lacroix et d'autres sources, ces figures montrent des habits, des ajustements, la plupart à la mode suivie par les acteurs de ce temps de la Régence. C'est d'ailleurs toute la particularité de cette édition assez jolie. Il y a un portrait de Molière d'après Mignard gravé par Audran et 31 figures hors texte non signées (d'après les figures dessinées par Brissart pour l'édition de 1682).



Pour plus de commodité, j'ai placé ces photographies des figures dans un album Picasa facilement consultable. J'en ai choisi deux pour illustrer ce billet "dans le texte" : L'imposteur ou le Tartuffe, image symbolique du théâtre de Molière, et aussi parce que le monde en est plein. Le Bourgeois gentilhomme ensuite car là encore, le monde en est plein, et des Mamamouchis naissent chaque jour et s'entretiennent de leur propre ego. Prions pour eux ! Amen.


Bonne nuit,
Bertrand

Une nouvelle édition des Oeuvres complètes de Molière dans la Bibliothèque de la Pléiade.




Sortons un peu des livres anciens et allons voir ce qui se passe en ce moment du côté des éditions de référence de nos auteurs classiques, et arrêtons-nous un instant sur les deux tout nouveaux volumes parus en avril dernier dans Bibliothèque de la Pléiade, je veux parler des deux volumes des Œuvres complètes de Molière.

Cette nouvelle édition, publiée sous la direction de MM. Georges Forestier et Claude Bourqui (Professeurs à l'Université Paris IV Sorbonne), vient tout juste après la dernière édition publiée dans la même collection il y a maintenant près de 38 ans par les soins de M. Georges Couton. Cette édition était devenue obsolète aux dires des nouveaux directeurs de la publication de cette nouvelle édition, de nouvelles découvertes ayant été effectuées à propos de la chronologie des pièces jouées par Molière notamment, l'écriture des pièces, leurs éditions primitives, etc.

Ces dernières semaines on pouvait entendre sur les ondes (France Inter, France Culture, etc.) quelques intéressants propos concernant ces deux volumes de la Pléiade. D'ailleurs France Culture consacrera une émission d'une heure le lundi 7 juin 2010 à partir de 15h, animée par Roger Chartier (qu'on apprécie forcément ici) intitulée : Molière dans la Pleiade. A propos de la nouvelle édition : Molière, œuvres complètes, sous la direction de Georges Forestier et Claude Bourqui, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade. Avec Georges Forestier et Claude Bourqui, professeurs à l'université Paris IV-Sorbonne. A écouter en direct ou à podcaster (pour ceux qui sont technologiques... ICI).

Les volumes sont disponibles à la vente notamment à cette adresse : Œuvres complètes de Molière tome 1 et Œuvres complètes de Molière tome 2.


Ce billet a été rédigé en partenariat avec le site de vente en ligne de livres et de produits culturels


Bonne journée,
Bertrand

vendredi 28 mai 2010

Felicien Rops (1833–1898) "La lecture du Grand Albert"




Toujours plus de très belles images sur le thème de la femme et du livre sur notre page Facebook ICI.

Bonne journée,

Bertrand

jeudi 27 mai 2010

iPad or not iPad ? A magic tool for bibliophiles ?!





Eh ouais ! C'est comme ça, quelques fois le Bibliomane moderne s'essaye à la versification ou à la prose d'outre-manche, surtout lorsque l'actualité s'y prête ! Et avouons que demain est un grand jour qui verra déferler sur les étals de vos amis quincaillers technologiques le petit bijou tant attendu, je veux parler de l'iPad de chez Apple.

Bon, alors, pour ceux qui arriveraient d'une autre planète et n'auraient pas eu la chance de visiter la cité idéale (Icarie pour les intimes... enfin presque...), je résume.

Il y a quelques mois de cela maintenant débarquait en France à grand renfort de spots publicitaires et autre merchandising dignes des plus grandes soirées de Gala de Capitalistic World, iPhone ! Téléphone mobile, certes, mais bien plus que cela pour ceux qui l'utilisent quotidiennement. Boîte à outil, GPS, Cartographie, Boussole, Revue de presse, Blogosphère, internet haut débit (3G ou Wifi), bref, véritable couteau suisse de l'homme moderne itinérant.

I N D I S P E N S A B L E !! Me direz-vous !

Ah oui ? Sûrement. En fait toute la question est là : Est-ce bien utile ? Et la deuxième question qui suit de près la première et qui là intéresse les bibliophiles-bibliomanes que nous sommes : Est-ce bien utile au bibliophile ?

Et là, je dois le dire, haut et fort et sans détour : O U I !

Je m'explique. Avant l'arrivée dans ma poche intérieure d'un iPhone 3GS il y a de cela quelques mois, je me faisais régulièrement grediner par quelques margoulins de nombreuses places de commerces de la capitale. Je ne citerai que le salon du livre du weekend au Parc Georges Brassens que je fréquente régulièrement. Untel voulait me fourguer un incunable sans page de titre, un autre me vantait les mérites de cette belle édition du XVIIIe siècle que je ne connaissais pas, etc. J'avais toujours mon cerveau avec moi, mes quelques vingt années d'expérience dans le choix des livres, et pourtant, souvent pour ne pas dire presque toujours, le doute, la peur, (ce bras qui tremble qui a fait l'honneur de trois générations de nos meilleurs tennismen rolandgarresques...), je n'achetais pas "faute de preuves" ou pire... j'achetais et mal m'en prenait lorsqu'une fois rentré au logis je m'apercevais que je venais de me faire méchamment faisander par un gredin de première classe. C'est désagréable.

iPhone 3GS et une simple connexion rapide à internet, sur place, dans les allées de Brassens ou dans celles de Drouot sont comme une providence. Vialibri, la BNF, le CCFR, vous pouvez tout interroger en temps réel ou presque. Et si après ceci le doute persiste encore... alors vous saurez pourquoi vous n'avez finalement pas acheté ce jour-là.

Est-ce une expérience que vous avez faite ? Utilisez-vous un iPhone ou une connexion internet de poche lorsque vous allez sur les salons ? les foires ? dans les ventes ?

Attention ! Je ne veux pas dire que ce petit gadget doit remplacer votre cerveau et faire fi de vos connaissances et de votre expérience accumulée de bibliophile émérite. Non, je veux dire simplement que c'est un plus non négligeable.

iPhone, c'est donc bien pour l'usage du bibliophile en déplacement. iPad, c'est mieux ! Je veux dire c'est mieux mais je devrais dire, l'écran est plus grand ! Car pour le reste je crois bien que c'est la même chose. Alors évidemment, certains me diront, c'est discret !! Vous êtes devant le stand d'un confrère ou d'un libraire qui vous regarde comme tout juste débarqué de Pluton en train de bidouiller votre drôle de tablette tactile de 9,7 pouces !

Alors voilà, plusieurs questions très sérieuses (ou presque) se posent :

Le bibliophile moderne doit-il s'équiper de tous les outils à sa disposition pour être le plus performant possible ? (je rappelle à l'honorable assemblée qui nous lit qu'il est fortement conseillé à notre triste époque d'être le plus performant possible, voire toujours plus performant que son voisin...)

Le bibliophile moderne a-t-il le droit d'être ridicule en essayant d'être performant ? (je rappelle que le ridicule ne tue pas mais que par contre la performance, poussée à l'extrême, elle, peut tuer...)

Enfin, le bibliophile n'aurait-il pas intérêt à revenir à des fondamentaux plus sains pour son mental et son équilibre terrestre (je rappelle que pour ce qui est de l'équilibre extra-terrestre, malheureusement, tout reste encore à prouver...)

Voilà, je vous laisse sur ces quelques verbiages à la fois bien peu orthodoxes, j'en conviens, et qui pourtant, si on évacue les quelques méandres d'un style ébouriffé, méritent qu'on s'y attardent pour en dégager quelques belles lignes de conduites pour la bibliophilie de demain.

Sur ce,
Bonne nuit,
Bertrand

PS : Article écrit en total live donc pour les fautes... on s'en ...

mercredi 26 mai 2010

De quelques éditions de Pétrarque, poète et humaniste du Trecento.


Francesco Pétrarque est né à Arezzo en 1304, fils d’un notaire qui exerça à Florence Ce sont les démêlées avec la faction des Guelfes qui pousse la famille de Pétrarque à fuir Florence pour la Provence. Ces mêmes démêlés entre Guelfes et Gibelins qui contrarièrent les amours de Roméo et Juliette favorisèrent ceux de Pétrarque et de Laure !!

Le 6 avril de l’an de grâce 1327, Pétrarque aperçoit pour la première fois une jeune fille, dans l’église de Sainte Claire d’Avignon. Instantanément, il en devient follement amoureux. Il a vingt-trois ans, elle en a dix-neuf. Cette créature d’une beauté et d’une douceur infinie, c’est Laure de Noves, épouse d’Hugues de Sade.

Évidemment quand on s’appelle Sade, c’est tout de suite plus facile …

Pétrarque va donc se languir une bonne vingtaine d’années pour Laure qui meurt de la peste noire en 1348, et nous laisser entre temps les plus beaux poèmes d’amour de la langue toscane, qu’il faut bien entendu lire dans le texte original.

Fig 1 Les Sonnets, les Canzonières, et les triomphes, édition originale du commentaire de Bernardino Daniello da Lucca, 1541.



Fig 2 Le Poème “Benedetto sia ‘l giorno…”


Béni soit le jour, bénis le mois, l'année
Et la saison, et le moment et l'heure, et la minute
Béni soit le pays, et la place où j'ai fait rencontre
De ces deux yeux si beaux qu'ils m'ont ensorcelé.
Et béni soit le premier doux tourment
Que je sentis pour être captif d'Amour
Et bénis soient l'arc, le trait dont il me transperça
Et bénie soit la plaie que je porte en mon cœur


Fig 3 Reliure en vélin sur cette édition de Venise, Nicolini de Sabio, 1541.



Fig 4 Le poème “Ivo Piangendo”


Je m’en vais en pleurant sur mon passé
Et je me repose sur l’amour des choses mortelles,
Sans m’élever à toute volée, ayant moi-même des ailes,
Pour peut-être ne pas donner de moi mauvais exemple.
…….

Pour le peu qu’il me reste à vivre
Et à mourir, je désire être prêt dans ta main:
Tu sais bien qu’en personne d’autre est mon espérance.

Le Canzonière relève de la poésie courtoise. Composé en deux parties, opposant en miroir la vie et la mort de Laure, le recueil passe de l'évocation de l'aimée à son idéalisation, des tensions du désir à la souffrance, de l'amour terrestre à l'amour mystique. C'est l'itinéraire à la fois d'un amant et celui d'un poète qui dépasse la mort et la mélancolie par la rédemption de l'œuvre vouée à lui assurer l'immortalité.

Mais Pétrarque n’était pas qu’un amoureux transi, c’était aussi un amoureux des livres, digne d’être admis au cercle du Bibliomane Moderne. Voyageur infatigable, il parcourut toute l’Europe et entretint, 150 ans avant Érasme, une correspondance avec l’élite intellectuelle de son temps. Il créa ainsi un réseau de relations qui partageaient le même idéal humaniste que lui et à qui il demandait de l'aider à retrouver les textes latins des anciens que pouvaient posséder les bibliothèques des abbayes et des collèges. Ses voyages lui permirent ainsi de retrouver quelques textes majeurs tombés dans l'oubli. C'est à Liège qu'il découvrit le Pro Archia de Cicéron et à Vérone, le Ad Atticum, Ad Quintum et Ad Brutum. Un séjour à Paris lui permit de retrouver les poèmes élégiaques de Properce.

Dans un souci constant de restituer le texte le plus authentique, il soumit ces manuscrits à un véritable travail philologique. C'est ainsi qu'il recomposa la première et la quatrième décade de l'Histoire Romaine de Tite-Live à partir de fragments et qu'il restaura certains textes de Virgile.


Fig 5 L’Africa de Petrarque, première édition séparée, Venise, Domenico Farri, 1570.


Son premier ouvrage, écrit en latin, illustre son goût du monde antique, qu’il voudrait faire redécouvrir et donner en exemple. C’est l’Africa, une épopée restée inachevée sur les exploits de Scipion l’Africain contre Carthage lors de la seconde guerre punique. Il choisit cette œuvre pour concourir aux joutes poétiques et il obtint ainsi la couronne de lauriers des poètes. Par la suite, dans sa Lettre à la Postérité, sorte de testament littéraire où Pétrarque esquisse l’image qu’il voudrait laisser de lui à ses contemporains et à ses lecteurs à venir, il citera par trois fois l’Africa, comme une œuvre chère à son cœur. Ce poème est un curieux mélange entre les épopées médiévales des chansons de geste et le retour aux sources latines où histoire et poésie mais aussi religion chrétienne et religion antique se confondent, chose que ses contemporains lui reprochèrent. Ainsi, au livre VII (heureusement non publié du vivant de Pétrarque), Jupiter, se prenant pour John Lennon, n’hésite pas à annoncer sa venue prochaine incarné en Jésus-Christ ... !!

Fig 6 Livre premier de l’Africa, en italien, traduit du latin.


Les poèmes de Pétrarque alimentèrent très tôt une vague de critiques contre lesquelles il va batailler ferme.. Alors que le Canzoniere se clôt avec une invocation au nom de la Vierge Marie, les Triomphes se terminent sur celui de Laure. Bref, Pétrarque sentait le souffre et voici, pour illustrer ce courant anti-pétrarquiste, un petit ouvrage amusant : le Pétrarque Retourné


Fig 7 Le Petrarque Retourné, seconde édition, Venise Francesco Marcolini de Furli, 1538.



Fig 8 Premier sonnet du Petrarque Retourné


Dans sa Bibliographie Instructive, de Bure nous dit : « Édition singulière et recherchée des curieux ; elle est connue dans le commerce sous le nom du Pétrarque Retourné parce que l'auteur qui la publia, ayant entrepris de faire servir à la louange de la Majesté divine des poésies profanes qui n'avaient été faites qu'en l'honneur d'une de ses créatures, fut obligé de retourner une partie des vers de Pétrarque, ce qu'il ne put exécuter qu'avec beaucoup de peine. »

On se doute que cela n’a pas du être simple ! C’est le premier cas dans l’histoire du livre, où la censure n’a pas expurgé le texte mais a cherché à lui donner une tournure catholiquement correcte… au détriment de la beauté des vers. L’auteur de cet ouvrage, Girolamo Malpiero, eut un certain succès puisqu’ au moins 5 éditions furent publiées après celle-ci qui contient une lettre de Pierus Valerian félicitant Malpiero « poi ch’eternalmente di Cyrrha hai restaurato il sacro honore. ».

Sa mort en 1374 empêcha Pétrarque d'achever ce qui aurait dû constituer sa troisième œuvre majeure, après les Canzonières et les Sonnets : les Triomphes. Ève Dupperay commente ainsi cette œuvre :
« Ce poème en langue italienne, en tercets d'hendécasyllabes à la manière dantesque, participe à l'œuvre la plus expérimentale de Pétrarque. Il s'inscrit dans une structure emboîtante de six Triomphes distribués en douze chapitres selon le schéma combatif et homicide du vaincu-vainqueur-vaincu où les abstractions personnifiées terrestres Amour, Chasteté, Mort, Renommée et célestes Temps, Éternité s'affrontent et s'efforcent crescendo sous un pouvoir plus irréductible dans un mécanisme qui s'accélère en degrés ascendants avec une unique triomphatrice : Laure ».


Fig 9 Je trouve que le vélin et le parchemin vont bien à Petrarque


Bonne Journée
Textor

mardi 25 mai 2010

Ou comment allier bibliophilie et festivités apéritives.




(Objet de bibliophile) - Coffret à liqueur caché dans des livres en reliure XVIIIe s. armoriée.
[CIRCA 1930-1950 ?].

En 4 vol. in-4° assemblés : H. 19 x larg. 26 x prof. 20,5 cm (fond de la boîte couvert de skaï).


Est.: 700/800 €

Cinq verres et une petite bouteille à décor doré se cachent sous quatre tomes de l'Histoire naturelle de Buffon. L'ouverture de la boîte enclenche une boîte à musique.


C'est donc ainsi qu'est présenté le numéro 3 de la prochaine vente de livres chez Godts à Bruxelles. L'occasion était trop belle pour ne pas vous la montrer. Évidemment, il y a bien d'autres livres, entiers, et très intéressants dans cette vente. A voir.

Plus d'informations sur la vente :

Vente du mardi 15 juin 2010, 14 heures


à l'Hôtel de ventes "Horta"


voir le catalogue



LITTÉRATURE FRANÇAISE des XIXe et XXe s.
Cartonnages décorés d'édition du XIXe s.
Ouvrages illustrés par Gustave Doré et Grandville
Éditions originales et illustrées des XIXe et XXe s.

SCIENCES
Nombreux ouvrages de botanique (jardins fruitiers), Médecine
Annales de Pomologie 1853-1860, Fac-similé des Roses de Redouté

VOYAGES
"Les Hindoûs" de Solvyns 1808-1812

LIVRES ANCIENS (éditions du 16e au 18e s.)
Histoire (Napoléon, histoire de France...), Religion
Cartographie (Braun & Hogenberg, Vandermaelen)

Estampes anciennes & modernes - Estampes japonaises
Photographie
(Rodin par Steinchen) - Imagerie populaire (stéréoscopie)

BELGICANA
nombreux documents relatifs à la Révolution brabaçonne
livres de cérémonies, almanachs, ephemera, livres, carto-topographie
Le Roy (Castella, 1697), Beaucourt de Noortvelde (ex. enrichi)
Généalogie & Héraldique

Coordonnées :

mardi – vendredi : 10 à 12 h. et 14 à 18 h. ou sur rendez-vous
Avenue Louise 230/6 - 1050 Bruxelles (voir plan)
Tel. : 00 32 (0)2 647 85 48 - Fax : 00 32 (0)2 640 73 32
E-mail : infosite@godts.com

Bonne journée,
Bertrand

Les filigranes en questions.




Une fidèle lectrice du Bibliomane moderne, Amandine, actuellement étudiante en restauration de livres anciens, dans sa dernière année, doit rendre son mémoire. Toutes ses recherches ont toutes été vaines pour identifier ces filigranes et pouvoir trouver cette fabrique de papier. Elle nous envoie quelques photos de filigranes qui lui paraissent intéressants, et elle nous demande si cela ne nous embête pas d'y jeter un coup d'œil.



Évidemment que non cela ne nous ennuie pas ! Nous allons même essayer de vous aider Amandine. Le Bibliomane moderne se plaist fort en ascointance des estrangers (détournement de la devise écrite par Sébastien Münster pour ma ville natale, Semur-en-Auxois).



Merci d'avance pour elle,

Bonne journée en attendant un Pétrarque du Textor qui va vous décoiffer !
Bertrand

vendredi 21 mai 2010

Le Bibliomane moderne se repose et vous propose un nouveau sondage : Pensez-vous que la passion de la bibliophilie puisse vous abandonner un jour ?


Puisque que vous avez été sages, comme à l'école, voici une belle image pour vous récompenser.



Juste un mot pour vous informer que j'ai placé hier soir un nouveau mini-sondage dans la colonne de gauche. Vous avez le temps, il est en place pour plus d'un mois ce qui nous emmènera tout doucement vers l'été. Vous avez à répondre à une question cruciale et existentielle qui peut revenir souvent dans la vie d'un bibliophile, à savoir :

Pensez-vous que la passion de la bibliophilie puisse vous abandonner un jour ?

Oui, Non, Je ne sais pas ? Les choix sont on ne peut plus simples ! A vous de jouer.

Bon weekend,
Bertrand

jeudi 20 mai 2010

Les relieurs des rois de France - L'atelier Simier - Vente des fers à dorer du relieur du roi Simier et successeurs (2 juin 2010).





Chers amis je dois vous le dire, le 2 juin, ce sera doublement un grand jour ! Tout d'abord c'est le jour que l'étude Lafon-Castandet (Roch de Coligny expert) a choisi pour disperser l'ensemble du fonds de l'atelier de reliure-dorure de Simier, relieur des rois de France. Accessoirement c'est aussi le jour ou votre serviteur fêtera ses 39 printemps... Plus si jeune ! Pas encore si vieux ! Passons.


Voilà donc de quoi il est question aujourd'hui. J'aurais été le dernier des ânes si je n'avais pas su saisir la chance extraordinaire qui m'a été donnée d'acquérir le très beau catalogue de la vente des fers à dorer de l'atelier du relieur Simier. Nous n'allons pas refaire ici l'historique de cette célèbre maison qui honore encore aujourd'hui les plus belles bibliothèques des bibliophiles les plus exigeants. Simier c'est souvent pour ne pas dire presque toujours, de la très belle reliure ! un très beau travail de dorure. Vous pouvez en savoir plus sur cet atelier de la première moitié du XIXe siècle ICI. Vous pouvez aussi vous reporter au compte rendu de l'Exposition Universelle pour l'année 1867 qu'on trouve ICI (section reliure).



Ce luxueux catalogue je l'ai en mains, et je ne saurais trop vous conseiller d'en faire autant très vite. On n'a pas tous les jours l'occasion d'assister à la vente d'un si prestigieux atelier de reliure-dorure. Le prix : 45 euros ! Ce n'est pas donné, certes. Sans compter les 12 euros de frais de port (1). Le catalogue est arrivé sain et sauf dans un carton adapté à son transport sécurisé. Tout est donc très bien.



Parlons un peu maintenant de ce que sera cette vente. Des fers ! Des fers ! Encore des fers ! Des fers à dorer. Depuis les fers des premières années du XIXe siècle (voire quelques fers reproduisant les armes royales des rois et des princes de la fin du XVIIIe siècle), des fers romantiques, des fers des familles nobles, des maisons princières du premier et du second Empire. Enfin du matériel aussi : des presses. Et quelles presses ?! La presse offerte par le roi en 1828 ! (estimation 100.000 euros).



Mes premières impressions ? Beaucoup de fers à dorer pour finalement.... aucun livre. Je regrette, personnellement, qu'à la vente de ces outils de l'atelier Simier n'ait pas été joints quelques beaux livres reliés par ce prestigieux atelier. Évidemment, ce n'est pas une vente de livres me direz-vous, mais le plaisir des amateurs bibliophiles n'en n'aurait été que plus grand.

Les estimations ? Comptez de 80 à 100 euros pour les lots les moins chers (petits fers, décors) à 200/600 euros pour les fers plus importants. Les fers marquant une provenance prestigieuse, royale ou princière sont estimés au delà de 1.000, 2.000 voire 4.000 euros ou plus. Le grand fer de Louis XV est estimé 15.000/20.000 euros ?? (c'est peut-être un peu exagéré ??) ... à suivre.



Je vous avoue que pour mon anniversaire qui tombe le même jour comme j'ai dis, je me verrais bien m'attribuer un ou deux lots de modeste importance, pour le symbole. Qui sait ? Je ne suis pas plus motivé que cela. J'aime les livres. Les fers à dorer, c'est sympathique mais je n'y mettrais pas plusieurs centaines d'euros. Affaire de goût. Et vous ?

Le catalogue s'ouvre par quelques belles pages sur l'histoire de Simier et de son atelier (Simier un provincial à Paris), ainsi que par un bon texte sur la bibliothèque de la duchesse de Berry, un autre sur Louis Médard et les Simier. Le propos s'achève par quelques souvenirs de l'atelier Barbance.

Raisons et sentiments maintenant. Je trouve cette vente assez dommageable à l'histoire de la reliure d'art. On est en droit de se poser plusieurs questions ? Combien rapportera cette vente ? 200.000 euros ? 400.000 euros ? Les 349 lots adjugés ne donneront-ils pas à ceux qui les vendent les regrets éternels de ne pas avoir fait le bon choix ? Pourquoi ne pas avoir tout fait pour faire de ce fonds "historiquement inestimable" un musée vivant de la reliure-dorure d'art ? Avallon (petite ville de l'Yonne sur les bords du Cousin où je pêchais à la mouche il y a encore peu d'années) était la ville qui hébergeait jusqu'à peu cette immense et précieuse collection. Que représente 200 ou 500.000 euros pour les institutions publiques ? Un geste de l'Etat n'aurait-il pu être envisagé pour sauver ce patrimoine qui va se disperser comme les graines de la fleur de pissenlit de Pierre Larousse. Je sème à tout vent n'est pas toujours une devise très honorable !

Voilà. C'est un peu un coup de gueule. Il en faut. Finalement, en écrivant ces lignes, je sais maintenant qu'à cette vente, je n'achèterai rien. Un espoir de préemption par l'état ou quelque mécène privé qui vient de rapatrier ses fonds de quelque paradis fiscal sur invitation des autorités compétentes m'empêcheront de lever la main.

Et vous ?

Plus d'informations sur cette vente et pour vous procurer ce catalogue qui de toute façon restera dans les annales :

LE CATALOGUE EN LIGNE

DROUOT MONTAIGNE - SALLE BOURDELLE

Mercredi 2 juin 2010 à 14h00

Les relieurs des Rois de France. L'Atelier Simier.

Lafon - Castandet
E-mail - contact@lafon-castandet.com
Tel. 01 40 15 99 55

L'Atelier Simier.
Les relieurs des Rois de France

Exposition publique :

DROUOT MONTAIGNE – Salle Bourdelle – Lundi 31 Mai 2010 de 12h00 à 20h00
DROUOT MONTAIGNE – Salle Bourdelle – Mardi 1er Juin 2010 de 12h00 à 20h00
DROUOT MONTAIGNE – Salle Bourdelle – Lundi 2 Juin 2010 de 11h00 à 12h00

(également sur rendez-vous auprès de LAFON-CASTANDET Maison de Ventes, 46, Rue Laffitte 75009 PARIS)

Bonne journée,
Bertrand

(1) de ce que j'ai pu écrire dans ce billet vous comprendrez que ma liberté de ton m'oblige, comme tout le monde (ou presque), à payer mon catalogue... Liberté, liberté chérie !

mercredi 19 mai 2010

BiblioNews : Quand bibliophilie et humanitaire font bon ménage.



Revue de presse ou BiblioNews, au choix. Coup de coeur nocturne, certainement.

Don généreux pour Oxfam : un livre rare de 1882 vendu aux enchères pour 42.500 euros

L’association Oxfam a reçu un don généreux de 42.500 euros pour la vente aux enchères d’un livre rare.

Créée en 1942, l’association Oxfam décline ses actions autour du développement durable et de la dignité humaine dans le monde. Pour financer leurs différentes missions humanitaires, les bénévoles et salariés de l’association des 14 pays-membres gèrent plusieurs magasins, dont des librairies d’occasion.

Les livres en vente dans ces rayons sont au prix moyen de 1,85€. Mais, un recueil de photographies - publié en 1882 par Gérard Ansdell - s’est récemment vendu aux enchères dans la célèbre salle londonienne Bonhams. Un fervent et mystérieux passionné l’a acheté au prix de 42.500 euros, battant le record de vente de 2008 qui était de 20.700 euros.

C’est un homme âgé qui avait déposé à Katherine Foweraker, la gérante du magasin du comté de Devon, A trip to the Highlands of Viti Levu parmi sept autres livres. Ce généreux donateur ne s’était pas privé de lui préciser que cet objet en particulier pouvait éveiller de vifs intérêts.

Il ne s’était pas trompé ! Et le calcul est rapide : cet argent pourra permettre de nourrir 5 300 familles ou encore de fournir de l’eau potable à 41.000 personnes. Suzy Adler, la responsable du secteur libraire de l’association, se félicite de cette découverte sans précédent qui permettra d’assurer une aide notable à ceux qui en ont besoin. Et la réussite des projets d’Oxfam n’est pas prête de s’arrêter quand on sait que l’association internationale est le 3ème vendeur de livres au Royaume-Uni.

Source : http://www.zigonet.com/humanitaire/don-genereux-pour-oxfam-un-livre-rare-de-1882-vendu-aux-encheres-pour-42-500-euros_art11550.html

Si vous aussi, vous avez envie de faire un BiblioDon généreux, n'hésitez pas, c'est ICI.

Bonne nuit,
Bertrand

mardi 18 mai 2010

Quelques informations de nos amis du Daumier Register.



Je suis abonné à la Lettre d'information sur Honoré Daumier et son Œuvre. Je vous donne lecture du dernier message reçu.

Cher ami de Daumier,

Comme vous le savez peut-être, Daumier avait perdu sa position comme caricaturiste auprès du Charivari en 1860. Dans nos derniers Daumier News vous pouvez lire la motivation pour cette décision ansi que le résultat surprenant pour la carrière de Daumier comme peintre (sous http://www.daumier.org/index.php?id=3#c1073 ).

Sur une note différente: le Daumier Register, dans une tentative de rendre l'affichage des caricatures de Daumier encore plus agréable et facilement accessible d'une manière du 21e siècle, a produit plusieurs vidéos de courte durée, qui peuvent être vus sur Youtube sous http://www.youtube.com/user/charidaum#p/u

Cordialement,

Dieter et Liliane Noack
Daumier Register

Pour communication conforme,
Bonne soirée,
Bertrand

lundi 17 mai 2010

Les casse-têtes d’André Alciat (1549).


Je me suis fixé aujourd’hui un objectif ardu, vous présenter les livres d’emblèmes du XVIe siècle. (Emblematus Libellus).

Vaste sujet qui supposerait que Bertrand me loue un espace exclusif sur son blog pendant un mois et demi pour traiter la chose avec un peu de sérieux. Imaginez qu’il y aurait environ 7.000 éditions et titres différents qui pourraient être rattachés à ce genre. Mais, fi des difficultés, commençons donc par le premier d’entre eux, j’ai nommé Maistre André Alciat, jurisconsulte milanais, « très-éloquent entre les savans en droict ; tres-savant en droit entre les éloquens » et, accessoirement, l’inventeur d’un genre qui aura un succès incroyable pendant au moins cent cinquante ans (1). Sa devise était justement, « Ne pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même », alors je me lance !!

Fig 1 Reliure en veau blond, composée d’un encadrement brun entouré d'un double filet doré, riche composition de listels sertis de filets dorés formant entrelacs peints à la cire blanche, bleue, brune et verte, et volutes à projection sur les bords, réservant un médaillon central en forme de cuir enroulé.



Fig 2 Alciat himself représenté dans une lettrine.



Fig 3 La devise des Alciat, le wapiti. En grec le mot ἀλκή (Elk en anglais) signifie non seulement le wapiti mais aussi la force.


Comme le rappelle la page de titre de cet exemplaire agréablement habillé, les livres d’emblèmes se rattachent à la collection des lieux communs (2) mais ils sont beaucoup plus distrayants. Chaque emblème consiste en un titre, une image, et un texte en vers, ou épigramme. Les éditeurs successifs ont toujours maintenu cette formule, qui est devenue une caractéristique du genre. Il est douteux qu’Alciat ait voulu d’emblée associer ces 3 éléments. Il est très probable que ce soit une idée de l’imprimeur Heinrich Steyner (chez qui paru la première édition des Emblemata en 1531) d’ajouter une gravure à chacun des poèmes moraux imaginés par Alciat.

Cette première impression d’Augsbourg fut suivie d’une autre en 1534 chez Chrétien Wechsel puis, avec le succès, l’œuvre fut vite traduite en plusieurs langues. La première traduction en langue vulgaire fut l’adaptation française, en huitains, réalisée par Jean Le Fèvre, publiée à Paris en 1536 ; suivront des traductions allemande, puis italienne chez Guillaume Rouille à Lyon, toutes plus ou moins complètes. La traduction de Barthelemy Aneau en 1549 chez Mace Bonhomme et Guillaume Rouille, plus précise, est meilleure que l’adaptation incomplète de Le Fevre. C’est celle qui est présentée dans ce billet.(3)


Fig 4 Page de titre de cette édition donnée à Lyon, comprenant 201 emblèmes, partagée entre Guillaume Rouille et Macé Bonhomme, dont la traduction française et le commentaire sont dû à Barthélémy Aneau, Ex-libris manuscrit en haut du titre du Collège des jésuites de Besançon, daté de 1602.


Ces livres illustrent l’obsession de la Renaissance pour les symboles, les allégories et les énigmes. Leur part d’irrationnel et de subjectivité, l’imagination des artistes, graveurs ou poètes, en font encore aujourd’hui tout l’attrait. A l’époque, les humanistes utilisaient les symboles comme moyens d’explorer la nature des choses, le sens de la vie, ou l’idée de Dieu. Ils croyaient que chaque facette des choses naturelles existant sur terre ou dans le ciel, tels que les étoiles, les animaux, les plantes, les pierres, les couleurs, les nombres, avait une signification symbolique qu’il fallait percer. C’est pourquoi les symboles pouvaient être appliqués à la médecine, comme à l’architecture, à la conduite morale comme au déchiffrement des hiéroglyphes !

Le travail d’Alciat est généralement classé en 3 catégories, les descriptions détaillées (ekphrasis) d’œuvres d’art, les épigrammes funéraires à vocation symbolique, les courts récits, ou les dialogues, à interprétation ingénieuse (hermeneias epideixin)

Qu’a voulu exactement faire Alciat ? La nature précise des emblèmes ainsi que leur mode de lecture sont problématiques : Est-ce que l'emblème se définit comme un texte, une image ou une combinaison des deux ? Et selon quelle hiérarchie ? Alciat lui-même s’en est expliqué : « Les mots signifient, les choses sont signifiées.( verba signifiant, res significantur) Pourtant les choses aussi parfois peuvent signifier comme les Hiéroglyphiques d’Horapollon et de Chaeremon. Nous aussi, à titre d’épreuve, en avons composé en vers un livre qui a pour titre Emblèmes » (4)

Autrement dit, dans la combinaison du texte et de l'image, la signification est autre que celle qui résulterait de l’allusion au référent direct.

Prenons un exemple simple : Tantale subissant son dernier supplice est présenté par Alciat dans un emblème où il apparait mourant de soif près de la fontaine, cherchant à atteindre en vain les fruits placés hors de sa portée. Dans la mythologie grecque, l’épisode de Tantale aux enfers signifie seulement qu’il a été puni par les dieux pour ses multiples crimes, alors qu’Alciat lui donne une autre dimension morale. Il figure l’image de la faim et de la soif éternelle qui ronge les hommes cupides qui « ont grands biens et n’en prens pas les fruicts » et il intitule donc son emblème « Avaritia » ou l’Avarice. (p108, sans figure). Elémentaire, non ?

En voici un autre :

Fig 5 Sobrement vivre.


Une main ouverte un œil regardant, Alciat titre « Sobrement vivre et non follement croire », qui est une traduction un peu rapide d’Aneau pour le vers « Ecce oculata manus credens id quod videt ». Deux leçons en une seule image. C’est une invitation à la tempérance. Tempérance pour le corps (il faut éviter les excès) et tempérance pour l’esprit (il faut résister à la crédulité). L’œil en la main est certitude des choses vues et touchées. Il faut toujours vérifier par soi-même. Certains risquent une autre interprétation : la main pourrait évoquer la justice (la main de Justice) et l’œil la vigilance et la perspicacité des juges. Pierus Valerian écrira de son coté « Justice signifiée par les yeux ».
Je sens que Bertrand va se prendre une petite poire …
A vous de jouer maintenant, je propose des emblèmes et vous me cherchez la clef !


Fig 6 Sur Occasion. Pourquoy derrière est chaufve et chevelure has au devant ?



Fig 7 Envie. Quel rapport entre la vipère et l’envie ? Le moins qu’on puisse dire c’est que la dame ne donne pas envie !!


Fig 8 Bonté des enfants ?


Fig 9 La mariée au contagieux. Là si vous trouvez, chapeau, car j’ai rien compris !



Fig 10 Entrelacs.


Bonne Journée
Textor


(1) Collation de l’exemplaire présenté : (2) bl, 267 pp, y compris le titre, (5) pp (table) (2) bl. L'illustration comprend un grand encadrement sur le titre, bordures variées à toutes les pages et 173 bois, dont 14 au trait représentant diverses essences d'arbres, gravés sur bois d'après les dessins de Pierre Vase, en grande partie provenant de l'édition de 1548 des mêmes imprimeurs. Brun, p. 107 - Landwher, n° 43 - Baudrier, IX, p. 158 - Havard College Library, n° 15.
(2) Sur les lieux communs, voir, par exemple, les productions de Textor Ravisius présentés sur ce site. ICI http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/10/ravisius-textor-thubal-holoferne.html )
(3) Des études savantes ont montré que les livres d’emblèmes trouvent leur origine antérieurement à la publication d’Alciat. Voir notamment L’invention de l’emblème par André Alciat de Pierre Laurens
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065- 0536_2005_num_149_2_22901
(4) Sur Horapollon et son Hieroglyphica qui se rattache aux livres d’emblèmes voir ICI http://le-bibliomane.blogspot.com/2009/12/mort-de-rire-sur-le-nil-ou.html


mercredi 12 mai 2010

Connaissance de la reliure par l'image : Les artistes de la roulette et du filet dorés dans la seconde moitié du XIXe siècle (suite).



Reliure signée REYMANN au premier contreplat.


Chères amies et amis, je dois vous laisser pendant quelques jours de repos amplement mérités faisant suite à une surchauffe due à l'afflux d'informations boursières aussi dantesque que surprenant de ces derniers jours. Il faut que j'aille vérifier si tout ce passe bien off shore.

Pour continuer et clore la parenthèse de nos amis artistes relieurs et doreurs du second Empire français, voici ce qu'un ami d'outre Rhin qui nous veut du bien m'écrit.

Concernant ce travail de dorure que nous avons exposé hier ICI, il nous met sur la piste d'un doreur renommé de cette période et qui a visiblement travaillé pour de nombreux relieurs titrés de la capitale. Le sieur DOMONT.

Citons Fléty dans son Dictionnaire des relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours (édition Technorama, 1988, p. 60). C'est d'ailleurs je crois une des plus longues fiches de ce très utile dictionnaire dont on attend avec impatience la nouvelle édition corrigée et augmentée... qui ne vient pas !

"DOMONT, Jules, né à Amiens en 1847, fut d'abord apprenti relieur chez Koehler. En ce temps-là les apprentis faisaient les courses, allaient chez les doreurs ; le jeune Jules, probablement ébloui par l'or, quand il allait rue Dauphine, chez Lagardette, déclara nettement qu'il voulait être doreur et non relieur. Il entra chez Mézamat comme apprenti. En 1866, son apprentissage terminé, il passait chez Marius-Michel père où il se perfectionna et acquit en partie cette sûreté de main qui fit plus tard sa réputation. Deux ans après, appelé par la conscription, il fut incorporé dans l'infanterie de marine, c'est dans ce corps d'élite qu'il fit la campagne de 1870 et combattit à Bazeilles où il fut fait prisonnier avec toute l'armée de Sedan.

Revenu à la vie civile, avec les galons de sergent-major, il entrait en 1873 dans l'atelier Smeers qu'il quittait trois ans plus tard pour celui de Lortic où il resta également trois ans.

Il collabora dans ce dernier atelier aux travaux exécutés pour l'Exposition Universelle de 1878 qui consacra la renommée de la maison.
Mais sa nature indépendante souffrait ; il rêvait de voler de ses propres ailes. Il s'établit donc doreur sur cuir et s'installa modestement au n°7 de la rue de l'Eperon, en 1879.

La clientèle vint, car il était aimable, consciencieux, aimant à rendre service, ponctuel même, qualité rare à cette époque.

Il dut s'agrandir, prendre des collaborateurs ; c'est alors, vers 1882 ou 1883, qu'il s'installa au 11 de la rue de Buci qu'il ne devait plus quitter.

Tous les relieurs de la fin du XIXe siècle qui ne possédaient pas d'atelier de dorure furent ses clients. Allô, Canape père et fils, Carayon, Champs, David père et fils, Durvand, Noulhac, Pagnant, Reymann, Stroobants, etc., ont connu l'atelier de la rue de Buci où passèrent également la plupart des ouvriers doreurs qui sont devenus parmi les meilleurs ouvriers de la corporation.

Il créa de nouvelles compositions en mélangeant les filets, la flore ornementale et les motifs emblématiques et fut un partisan des reliures parlantes, très goûtées entre 1880 et 1890. A partir de cette dernière date, les filets furent progressivement abandonnés, laissant à la flore et aux emblèmes la décoration des plus riches reliures.

L'amour qu'il portait à son métier devait l'inciter à rendre des services au syndicat corporatif, où il figura à partir de 1891. Il fit bientôt partie du conseil et en 1894 acceptait de faire le cours du soir aux apprentis et élèves professionnels. Le nombre des élèves devint tel qu'il fallut, en 1899, scinder le cours en deux sections, dont une supérieure où il professa jusqu'en 1914. Après la guerre, malgré l'âge, il avait plaisir à se retrouver au milieu de ceux et de celles qu'il avait connus enfants et dont les cheveux avaient blanchi. Depuis 1914, il portait fièrement le ruban vert et noir de 1870-1871, à côté de la rosette d'officier de l'Instruction Publique que lui avait valu son dévouement à l'enseignement professionnel. Il mourut en 1931 à l'âge de 84 ans."

Comme souvent, Fléty ne cite pas ses sources. Je ne sais pas où il a pu trouver une biographie aussi complète.

Quoi qu'il en soit, Jules Domont fut un grand nom de la dorure de la fin du XIXe siècle, et l'on peut parier que bon nombre des roulettes et filets dorés exposés dans le billet d'hier ICI, sont son œuvre.

L'homme du Rhin nous joint deux belles photos venant corroborer ces dires. Une belle reliure en maroquin signée d'un côté par Reymann et de l'autre par Domont (chaque contreplat). De mon côté je n'ai jusqu'à ce jour croisé qu'une seule fois la signature de Domont, sur une reliure en maroquin vert exécutée sur un ouvrage de 1866 (il était alors chez Marius Michel père). Seule la signature de Domont figurait sur cette belle reliure, au second contreplat (je n'ai plus l'ouvrage, il faut que je vérifie si j'ai conservé des photos).

Dorure signée DOMONT au second contreplat.


Bonne soirée et bon weekend de l'escalade !
Bertrand

mardi 11 mai 2010

Connaissance de la reliure par l'image : Les artistes de la roulette et du filet dorés dans la seconde moitié du XIXe siècle.


Pour faire suite au billet d'hier
ICI, je vous laisse en compagnie des as de la roulette et du filet dans la seconde moitié du XIXe siècle. Comme on le voit (en agrandissant les images), certains signent, d'autres non... allez y reconnaitre vos petits !


Cliquez sur les images pour agrandir et voir les signatures... ou pas !
























PS : Je dis souvent à ma femme qu'il y a plus d'intérêt à admirer un encadrement intérieur doré d'une belle reliure ancienne qu'une bague avec un gros diamant... elle ne comprend pas...

Bonne journée,
Bertrand

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