dimanche 24 octobre 2010

Heurs et Malheurs de la bibliothèque des Bogards de Zepperen (1484-1604).


Vous, je ne sais pas, mais quand j’ouvre un livre ancien je me demande toujours qui l’a ouvert avant moi. Les
ex libris et les ex dono nous mettent parfois sur une piste mais il est rare d’identifier le propriétaire et de retracer son histoire, s’il ne s’appelle pas Octave Uzanne ou Firmin Didot.

Parfois, pourtant, avec un peu de chance, il est possible de suivre un ouvrage pendant quelques siècles. Je vais vous conter les mésaventures d’un livre qui fut lié à une communauté religieuse : les Bogards. Et qui revient de loin !

Fig 1 Verso du premier feuillet blanc avec mention manuscrite du titre de l’ouvrage.


Fig 2 Le Reductiorum de Pierre Bersuire (Cologne, 1477)


J’ai déjà présenté sur ce site, en Mai 2009, le Reductiorum Morale Supra Totam Bibliam de Pierre Bersuire, imprimé à Cologne par Bartolomeo de Unckel en 1477; Beau papier, type régulier (le seul utilisé par cet imprimeur qui a peu produit), Lettrines élégantes.

Quatre lignes sous le colophon, écrites dans une cursive plutôt serrée, par une main du 15ème siècle, semblait correspondre à une marque de possession, mais impossible à déchiffrer pour moi ! Un extrait d’un vieux catalogue contrecollé sur une garde indiquait juste : « A la fin une inscription mentionne le don qui a été fait du volume à un couvent des Flandres en 1484 ».

Fig 3 la mention manuscrite.


C’est Raphael, grand érudit muscapatulophile et latiniste émérite, qui m’a aidé à déchiffrer le texte et à découvrir la communauté des Bogards de Zepperen.

Raphael a lu : « Dns (Dominus) Adamus de Walonis pbr (presbyter) contulit campo gloriosi Jheromini - ?? - conventui 3ij (tertii) ord (inis) almi - Pres?? - francisce??- in zeppere hunc librum a° (anno) xiiij c lxxxiiij°, amore ihu (Ihesu) Xri (Christi) pro eo orate »

Ainsi, le vieux prêtre Adam de Wallonie, sentant sa fin prochaine (priez pour lui et l’amour de Jésus Christ, est-il dit à la fin du texte), choisit de donner son précieux recueil au couvent du Champ St Jérôme, du Tiers Ordre de Saint François, l’an 1484. Pour quelle raison ? Il ne le dit pas, sans doute connaissait-il un parent dans cette communauté, ou bien était-il le curé de la Paroisse dont la Communauté des Bogards dépendait. L’ouvrage avait été acheté à peine quelques années auparavant, à Cologne ou dans quelques foires du Brabant ou du Limbourg. Peut-être même l’avait-il acquis spécialement pour faire ce don. Une sorte de donation expiatoire en quelque sorte !

En 1484, la Communauté de Zepperen fêtait ses 66 ans d’existence. Un acte du 6 Mai 1418, conservé à Maastricht, nous apprend que les Bogards présents dans ce village n’avaient pas encore de couvent. C’est un certain Jean de Gorre qui assigna un champ d’une contenance de 3 bonniers et demi en l’honneur de St Jérôme, « jacens in parochia villae de Septemburgis, alias dictae Seppris, propre sanctum Trudonem (A côté de St Tron) », afin d’y installer des frères du Tiers ordre de Saint François qui le cultiveraient de leur propres mains jusqu’à ce que la Divine Providence les aient pourvus de plus amples moyens de subsister.

Le Prince- évêque Jean de Heinsbergh confirma le droits de ces Franciscains en 1425. La communauté du Champ de Saint Jérôme avait encore des droits limités : ni la possibilité de construire un oratoire ou d’avoir un confesseur, ni celle d’avoir un cimetière propre ! Bref, ils dépendaient encore de l’église paroissiale voisine. Ce n’est qu’en 1435 que ces droits leur furent concédés avec celui de porter l’habit de bure de couleur grisâtre.

Mais n’imaginez pas une abbaye comme à Cluny ou à Fontenay, les Bogards vivaient chichement, leur oratoire était de bois et de chaume, construit dans un lieu humide, si humide même qu’il finit par tomber en ruine au cours des guerres du XVIème siècle. L’édifice qui le remplaça vers 1595 n’était guère plus solide et ce n’est qu’en 1614 qu’une église « en dur » fut édifiée sur le Campo. (J’en frémis encore en pensant aux conditions dans lesquelles l’ouvrage de Pierre Bersuire a du être conservé pendant tout ce temps, mais pas de recours possible !!).

Fig 4 Le Z de Zacharias parait inversé, non ?


Rapidement, la communauté prit de l’importance au point de devenir une Province à part ayant ministre et chapitre général, appelé le chapitre de Zepperen dont la juridiction s’étendait aux Maisons de Bruxelles, Malines, Louvain, Maastricht, Aix la Chapelle et même …
Hoegaarden (Oui-da!) ;

Le livre entra donc dans la Communauté en 1484, et 2 ans plus tard, il fut l’objet d’une mutation juridique. Afin de garantir le maintien des biens dans cette Province et qu’ils ne soient pas dilapidés au profit d’un autre Ordre ou à une autre fin, il fut arrêté au cours d’un chapitre tenus à Hoegaarden en 1485, (où les Frères n’avaient pas bu que de l’eau !) que chaque couvent de l’Ordre faisant partie de la Province, ferait cession au chapitre général de Zepperen de tous leurs biens, meubles et immeubles, et qu’ils ne s’en réserveraient que l’usage. (Voilà mon livre démembré entre usus et abusus !). Dès l’année suivante, le frère-ministre Henri de Merica (Van der Heyden) et les autres Frères de la Maison de Zepperen (en tout 22 Frères dont 6 prêtres et 16 Frères lais) s’empressèrent de mettre ce statut à exécution et firent la cession demandée devant notaire le 16 octobre 1486.

Fig 5 Rex David.


Par la suite, on peut imaginer que ce livre fort précieux pour qui veut étudier la théologie (1) pu entrer dans la bibliothèque du collège des Beggards (Beggardorum collegium seu Seminarium) qui fut fondé par les soins des Pères du chapitre général de Zepperen près de l’université de Louvain dans l’intention de faciliter aux étudiants de leur Ordre les études approfondies de la théologie. Le collège entra dans l’Université en 1641, mais rien dans le livre ne permet de suivre son cheminement après 1604, date à laquelle il était toujours dans la Communauté des Bogards, jusqu’au jour où il entra dans la Bibliotheca Major Textoris.

Tout ceci pour vous dire qu’une petite mention anodine sur un livre peut conduire à réécrire l’histoire d’un ouvrage !!

Fig 6 I comme Josué volens.

Bonne Journée
Textor

(1) Je rappelle que le Reductiorum morale (vers 1340) de Pierre Bersuire, est une présentation moralisée de l’œuvre de Barthélemy l’Anglais. Un genre d’encyclopédie théologique. Si le terme «encyclopédie» n’existe pas encore au Moyen Age ; la première occurrence, dérivée de l’expression grecque egkuklios paideia («enseignement en cercle») date du début du XVIe siècle ; le concept n’en est pas moins présent. C’est la 3ème impression incunable après celles d’Ulm et Strasbourg de 1474. c.c In fol - (1 f (425) ff. (1) f. bl.

mercredi 20 octobre 2010

Carlègle, illustrateur : « Je ne veux faire d'illustrations que celles qui me doneront l'occasion de dessiner des nus ».


Carl-Emile (ou Charles-Émile, ou Émile-Charles, les sources divergent…) Egli est né en 1877, à Aigle, dans le canton de Vaud (Suisse). A l’âge de 18 ans, il intègre l’Ecole des Arts Industriels de Genève, dans la classe de gravure d’Alfred Martin, collaborateur de Charles Lepère. Suivront également cette classe P.E. Vibert et F.L. Schmied. Bien sûr la gravure sur bois est au centre de cet enseignement. En 1900 il arrive à Paris. Sous le pseudonyme de Carlègle, il collabore à de nombreux journaux et revues, dans lesquels sont publiés ses dessins d’humour, d’actualité ou non : l’Assiette au Beurre, le Rire, la Vie Parisienne, le Sourire Il y acquière rapidement une bonne réputation, et se trouve classé parmi les « humoristes ». Francis Carco lui consacrera une place élogieuse dans son étude. On retrouvera certains des dessins qu’il a donnés à la Vie Parisienne, dans l’album publié en 1922 « La Plus Belle Fille du Monde ». On y retrouve les thèmes favoris de Carlègle, auxquels il sera fidèle toute sa vie : la grâce féminine, l’humour, la sûreté du trait.

Carlègle, « La Plus Belle Fille du Monde, Croquis de la Vie Parisienne », Paris, L'édition, 1922. In-4° oblong (25,5 x 33,5 cm), non paginé. Couverture imprimée crème, dessins en noir in-texte. Préface de Léo Larguier.


Parallèlement à cette activité, il illustre des albums pour enfants : « L’automobile 217 UU », « une histoire qui finit mal », « c’est un oiseau qui vient de France ». Il poursuivra dans cette voie toute sa vie. En 1908, Pierre Louÿs lui demande d’illustrer « les Aventures du Roi Pausole », pour la Modern Bibliothèque, de Fayard, collection populaire à quatre-vingt-quinze centimes. C’est sa première contribution, modeste, au livre illustré. Mais elle ne passe pas inaperçue : les éloges sont nombreux, et pendant quelques années cette illustration sera une référence. Carlègle illustrera ensuite d’autres œuvres, dans la même collection : Crapotte, d’Henri Duvernois, en 1911, puis « Le Ruisseau – Le Boulet », de Pierre Wolff, en 1915. Pendant la guerre paraissent les Refrains de Guerre, de Théodore Botrel, avec des illustrations de Carlègle.

Henri Duvernois « Crapotte », illustrations de Carlègle, Modern Bibliothèque, Arthème Fayard, 1911. Dessins au trait, reproduits en noir.


Sa contribution est encore à ce moment assez discrète : des dessins d’humour dans la presse, des albums pour enfants, des publications populaires. Tout va changer lors de la rencontre avec l’éditeur Léon Pichon. Carlègle a d’autres ambitions, et n’oublie pas sa première formation de graveur. Il réalise donc, pour lui-même, des gravures, principalement d’animaux, et des ex-libris, qui sont appréciés. En 1912, il produit quelques gravures sur le thème classique de Daphnis et Chloé, qui correspond à son tempérament : grâce, enfantine ou non, paysages, classicisme. Certaines d’entre elles seront reproduites dans la revue Art et Décoration, et seront exposées en 1913 au salon des Humoristes (oui, encore…) Léon Pichon est un fervent soutien de la gravure sur bois originale, et de l’architecture rigoureuse, classique, des livres, loin de la vogue Art Nouveau. Logiquement, les deux hommes vont parfaitement s’entendre.

Longus, « Les Amours pastorales de Daphnis et Chloé », Paris, Léon Pichon, 1919, In-4, 146 pages, 27 figures et culs-de-lampe dessinés et gravés par Carlègle, 395 exemplaires dont 20 japon ancien et 50 chine.


La publication de Daphnis et Chloé, mis en chantier avant guerre, n’aura lieu qu’en 1919, après deux autres contributions de Carlègle : les « Lettres de la Religieuse Portugaise », en 1917, illustrées de 9 bois gravés, puis « La Fille d’auberge (Copa) » de Virgile, en 1918.

Alcaforado (Marianna), « Les Lettres de la Religieuse Portugaise », A Paris, chez Léon Pichon, 1917, in-4, 62pp, 9 gravures sur bois, 336 exemplaires dont 11 sur japon ancien et 35 japon.


La collaboration entre Pichon et Carlègle se poursuivra jusqu’en 1928, donnant au total 13 ouvrages, dont par exemple « Mon amie Nane », de P.J. Toulet, en 1925, tous fidèles au même principe d’une typographie rigoureuse, illustrée par des bois vigoureux, qui participent à l’architecture du livre.

La Muse de Ronsard. Poèmes recueillis par Jean Plattard et ornés de vignettes gravées sur bois par Carlègle. Paris, L. Pichon 1924, in 4, 135 pages. 345 exemplaires.


P-J. Toulet, « Mon amie Nane ». Paris, L. Pichon 1925, in 8, 18 bois en noir et ocre, 585 exemplaires.


En 1924, Carlègle inaugure une nouvelle manière : l’aquarelle, avec une nouvelle interprétation du Roi Pausole pour Briffaut. Il réservera cette technique à des ouvrages légers, dont les sujets lui donneront le prétexte à quelques illustrations déshabillées.

Pierre Louys, « Les Aventures du Roi Pausole », Paris, Briffaut, 1924, in 4, 301 pages, illustré d’après les 87 aquarelles de Carlègle, 1000 exemplaires.


A part cet ouvrage et quelques participations modestes avec divers éditeurs, Carlègle est resté globalement fidèle à Léon Pichon. Ce n’est qu’à partir de 1926 qu’il produira des ouvrages importants, chez d’autres éditeurs : plusieurs tomes des œuvres complètes d’Anatole France, chez Calmann-Lévy, Lysistrata, chez Briffaut.

Aristophane, « Lysistrata », Paris, Briffaut, 1928, in4, 109 pages, illustré de 20 compositions en 2 ou 3 tons, 850 exemplaires.


A ce moment Carlègle, naturalisé Français vers 1926, est reconnu, par ses pairs et par les bibliophiles. Il produira dans la décennie suivante une trentaine d’ouvrages (trois par an en moyenne !), pour divers éditeurs, populaires ou élitistes, adulte ou pour enfants, en utilisant les diverses techniques qu’il maîtrise : le dessin au trait, de ses débuts, la gravure sur bois, l’aquarelle. Parmi cette production importante, figurent, à l’aquarelle : - « le Sopha », de Crébillon, « Psyché », de Pierre Louÿs, tous deux chez Mornay ; - « le Malheureux petit voyage », de Soulages, - De La Fontaine, Les Contes, chez Harvermans, et « les amours de Psyché et Cupidon », chez Briffaut, - « Stalky et Cie », de Kipling, chez Delagrave.

Gabriel Soulages, «Le malheureux petit voyage, ou la misérable fin de Madame de Conflans,princesse de Marsaille, rapportée par Marie-Toinon Cerisette, sa fidèle et dévouée servante », chez Valère, à Paris, 1936, in 8, nombreuses aquarelles de Carlègle, 1000 exemplaires.

Gabriel Soulages, “graffiti d’amour”, chez Mornay (collection « Originale »), 1931, petit in8 carré, 100 pages, dessins au trait en plusieurs tons de Carlègle, 555 exemplaires.


La gravure sur bois est bien représentée, notamment par : - « la vie amoureuse de la Belle Hélène », de Gérard d’Houville, pour les bibliophiles Normands, - « Maxime », de Henri Duvernois, chez Babou.

Gérard d’Houville (pseudonyme de Marie de Règnier) ”La vie amoureuse de la Belle Hélène”, Evreux, la Société Normande du Livre Illustré, 1932, in 4, 220 pages, 40 bois en couleurs, 130 exemplaires.


Les albums pour enfants sont toujours présents, avec : - « au temps du Grand Roi », d’Emile Magne, - « le Roi de Rome », d’Octave Aubry, - « Henri de Béarn Roi de France » de Louis Batiffol, Tous chez Calman-Lévy.

Émile Magne, « Au temps du Grand Roi », Calman-Lévy, collection « Pour nos enfants », in 8 de 34 pages, illustrations en couleurs de Carlègle.


Parallèlement à cette carrière d’illustrateur bien remplie, Carlègle a mis en pratique une autre facette de l’enseignement reçu. Il ne faut pas oublier que son école s’appelle « École des Arts Industriels ». Il concevra des jouets pour enfants, avec Hellé ; des tentures ; des ornements de décoration d’intérieur, avec l’industriel Peignot. Il dessinera une fonte, le Dorique, qui sera notamment utilisée pour « Maxime », de Duvernois, et « Carlègle » de Marcel Valotaire, chez l 'éditeur Babou.

Fonte dorique dessinée par Carlègle.


Henri Duvernois, « Maxime », Henri Babou, Paris, 1929, in 4, 188 pages, illustré de 20 bois, imprimé avec la fonte Dorique de Carlègle. 450 exemplaires, dont 50 sur japon nacré.


Carlègle mourra en 1937 (ou 1938, ou 1940, les sources divergent…) Un dernier livre, contenant des reproductions de dessins de Carlègle, paraîtra en 1943 : « Nudité », de Colette. Ce dernier titre résume assez bien ce qui a toujours attiré l’artiste :
« Je ne veux faire d'illustrations, a-t-il confié à Marcel Valotaire, que celles qui me donneront l'occasion de dessiner des nus ». Il n’a pas respecté absolument cette déclaration, mais rétrospectivement, son œuvre apparaît effectivement comme une défense et illustration de la grâce (éventuellement faussement) innocente, et de l’âge d’or antique, toujours exempte de vulgarité, aussi scabreux que soit le sujet traité.

Colette, « Nudité », la Mappemonde, 1943, in 4, 83 pages, illustré par 20 dessins inédits de Carlègle, 450 exemplaires.


Bonne journée,
Calamar pour le Bibliomane moderne

dimanche 17 octobre 2010

Encore un dessin original signé Paul Gavarni (1804-1866) : Le fumeur de pipe (vers 1840).



Dessin original signé Gavarni, vers 1840.


Je vous avais bien dis que j'y reviendrais ! C'est fait. Un nouveau dessin original signé de l'artiste Paul Gavarni (1804-1866) vient de rejoindre ma collection. Et j'en suis assez fier. Un jour il ira ailleurs, mais pour le moment j'ai tout loisir pour l'admirer, et il le mérite. Quel trait ! Je ne vais pas vous refaire l'histoire de Paul Gavarni et de son talent d'artiste illustrateur lithographe, cela a déjà été fait. Je vous invite donc à vous reporter aux autres billets que le Bibliomane moderne a consacré à ce talentueux croqueur de traits de la physionomie humaine au milieu du XIXe siècle. Vous pourrez ainsi voir quelques dessins originaux comme un dessin original à la mine de plomb pour le Diable à Paris (1845-1846), un autre à l'encre et avec rehauts de gouache intitulé "La réussite" (encore non déterminé à ce jour au sein de son œuvre), un autre encore à l'encre et aquarelle représentant "une marchande" (encore non déterminé à ce jour au sein de son oeuvre), deux autres dessins faits pour le Diable à Paris, Le Poète et un Politiqueur, vous trouverez aussi dans les colonnes du Bibliomane moderne une belle lettre inédite signée Gavarni ainsi que des lithographies représentant les bouquinistes et les bouquineurs.

Dimensions env. 14 x 10 cm.


Aujourd'hui je vous propose de découvrir "un moine fumeur de pipe", dessin original signé Gavarni, exécutée à l'encre brune sur papier vélin et rehaussé à l'aquarelle. Dessin non légendé, je pense y reconnaitre un moine fumant la pipe, à moins que ce ne soit un homme en robe de chambre... Ce qui est certain, c'est qu'on retrouve le thème des fumeurs de pipe dans la bibliographie de Gavarni. Il est dit que Gavarni donna une série de lithographies ou dessins (gravés sur bois) pour la revue l'Illustration dans les années 1840. Je n'ai pas encore fouillé plus avant pour découvrir si ce dessin avait bien été publié, si oui s'il l'avait été avec des variantes notables ou s'il s'agit du dessin achevé. Je vous laisse faire vos recherches de votre côté si cela vous tente.

Signature autographe de Paul Gavarni (1804-1866).


Bon dimanche à toutes et à tous,
Bertrand Bibliomane moderne

mercredi 13 octobre 2010

Manuel pratique de Castramétation (1557).


52 avant JC. Toute la Gaule est occupée par les Romains. Toute ? Non, le petit village d’Alixia Sancta Arena résiste encore et toujours à l’envahisseur grâce à la perspicacité d’un érudit qui a étudié, dans les ruines antiques, l’art de la castramétation. Cet érudit, vous l’avez, bien sur, reconnu, c’est Bert … Guillaume du Choul, bailli des Montagnes du Dauphiné. (Oui, Jean Marc, j’ai bien dit le Dauphiné !).

La castramétation n’est pas le fait de chanter en mesure avec une voix de fausset, mais vient du latin castrum, le camp et metare, mesurer, c’est l'art de choisir et de disposer l’emplacement d’un camp militaire ou d’une place forte ; Science fort prisée des romains et qui, accessoirement, pouvait encore servir au 16ème siècle. Elle redevient à la mode aujourd’hui avec la reconstruction des châteaux-forts.

Fig 1 Page de titre de l’édition de 1557. La devise de Du Choul (Honor sine honore beatus ) rappelle que cet homme de cour a vainement sollicité les faveurs du Roi. Ses manuscrits étaient destinés à être présenté au Roi.. N’ayant pas reçues les faveurs attendues, il finit par les publier.


Fig 2 Début de la castramétation.


Fils de marchand, Guillaume du Choul est né vers 1496. Juriste de formation, ses différentes charges de Bailli des Montagnes du Dauphiné (1522) et de Maitre des Requêtes du Dauphin (1523) ne l’occupaient pas beaucoup (les exerça-t-il seulement ?) et lui donnaient l’opportunité de s’intéresser à tous les sujets qu’un humaniste de l’époque devait connaitre : littérature, histoire, sciences naturelles, archéologie, navigation, numismatique…. Bref, un peu de tout ! Du Choul se piquait surtout d’archéologie et il devint ce qu’on appelait alors un antiquaire, c'est-à-dire un collectionneur de curiosités tirées du sol. (On ne collectionnait pas encore les buffets Henri II !!). Il importait les plus belles pièces de Rome et son hôtel de la montée du Gourguillon, à Lyon, faisait l’admiration de tous les visiteurs, comme Girolamo Fondulo, Michel Servet, Benoît Lecourt, Guillaume et Maurice Scève avec lesquels il forma « l’ Académie de Fourvière ».

Fig 3 Coupe des arbres pour ériger le camp.


Fig 4 La construction de la palissade et du fossé.


Fig 5 Le camp des romains.


S’il a beaucoup écrit, ses manuscrits n’ont pas tous été publiés, la plupart sont même perdus, comme celui sur les coquillages, ou sur les bêtes féroces, les épigrammes de toute la Gaule, ou encore l’image des dieux.

Sur les 4 ouvrages imprimés 3 formaient un ensemble publié chez Guillaume Rouillé. :
- Des bains et antiques exercitations grecques et romaines, Lyon, G. Rouille, 1555, (1)
- Discours sur la castramétation et discipline militaire des Romains, Lyon, G. Rouillé, 1555
- Discours de la religion des anciens Romains, Lyon, G. Rouille, 1556

Le Discours sur la Religion des Anciens Romains aurait du paraitre en même temps, chez le même éditeur, mais des retards dans la composition des gravures, en différèrent l’impression.
(Le privilège des trois livres imprimés chez Rouillé date du 31 octobre 1553). Ce retard chagrina amèrement l’imprimeur qui écrivit : « : Signeurs lecteurs, l'obeissance, que ie doy à ceux qui me peuvent commander, fait que maintenant les deux livres précédens [c'est-à-dire la Castrametation et les Bains] ne doyuent attendre leur compaignon de la Religion des anciens Romains, obstant la raisonnable tardiueté des ouuriers es pourtraits & taille des figures : qui par-ci-apres & au-plustost vous contenteront de tant mieux, que leur aurez donné loisir de sortir en meilleure perfection, sous vn commun accord d'accepter noz iustes excuses en matière tant fauorable. A Dieu » (à lire en prononçant avec l’accent de Fourvière).

Guillaume Rouille réédita donc en 1557 un tirage regroupant la Castramétation, les Bains et y adjoignit la Religion, comme l’annonce la page de titre, mais ce dernier ouvrage ayant une page de titre séparé, certains libraires le propose aujourd’hui seul, comme un exemplaire complet.

Le tailleur de figures qui causa tous ces tracas à G. Rouille n’est autre que Pierre Eskirsch, dit encore Pierre Vase (mais je préfère le sobriquet de Cruche qu’on voit parfois, simple traduction de son nom d’origine germanique.) très demandé dans ces années 1550 et qui ne savait plus où donner du ciseau.

Fig 6 sur les grands boulevards, il y a tant de choses à boire. Du Choul nous apprend que le vin est une boisson stratégique des romains, le nerf de la guerre en quelque sorte.


Fig 7 Liticines et cornicines à la parade.


Fig 8 Cheval harnaché à l’antique.


Fig 9 Chevaux légers.


Fig 10 Homme d’armes du temps des romains.


La Castrametation c’est Astérix avant l’heure, Du Choul avait du lire Goscinny ! (à moins que ce ne soit le contraire). Il rédige une sorte de commentaire sur des planches représentant l’armée romaine. Ces planches sont copiées sur la Colonne Trajane d'après les relevés de Jacopo Ripanda (Du Choul n’aurait jamais été jusqu’à Rome !?)

Chez du Choul, il y a des Romains un peu fou qui prennent des baffes, forment la tortue pour attaquer les gaulois en pensant « engagez-vous qu’il disait, rengagez-vous ! » ; construisent des camps copiés de Babaorum ou de Petibonum ; Les centurions prétentieux sont à la parade et on y apprend qu’il vaut mieux ne pas parler sèchement à un Numide…

Comme dans l’œuvre de Goscinny, les allusions tirées de l’antiquité renvoie à l’époque contemporaine. Du Choul en bon courtisan cherchait à plaire à François 1er , lequel en 1534, venait de lancer une réforme de l'infanterie française par laquelle sept légions de 6000 hommes avaient été créées, qui portaient le nom des provinces où elles étaient levées. A cette occasion, le roi avait composé un ouvrage sur la Discipline militaire, ce qui a pu influencer Du Choul et expliquerait les comparaisons d'actualité qu'il faisait avec les soldats suisses et turcs.

Par ailleurs, le sujet était à la mode puisque l'architecte bolonais Sebastiano Serlio avait entrepris vers 1545-1546 une recherche sur la castramétation d'après Polybe, alors qu'il vivait encore à Fontainebleau. Du Choul, qui s'y trouvait dans les mêmes années, pouvait en être informé.

Fig 11 La tortue.


Fig 12 Le bélier.


Fig 13 La légion lyonnaise, où l’on voit clairement, par l’absence de perspective du dessin, que ce motif est copié de la colonne Trajane.

La bibliothèque de du Choul devait être importante mais son inventaire reste à faire. On connaît actuellement trois livres portant les armes peintes de Du Choul, un Pline imprimé à Bâle en 1525 et deux manuscrits du XVe siècle conservés à la BNF, la Teseida de Boccace (ms. ital. 580), ainsi qu'un Roman de la rose (ms. fr. 1570). Ce dernier provient de la bibliothèque de Philippe de Béthune, frère puîné de Sully, qui fut donnée à Louis XIV en 1662. Cela dit, la dispersion de la bibliothèque de Guillaume du Choul aurait été limitée : d'après Chavigny, elle serait passée pour l'essentiel chez le duc de Nemours. L'inventaire après décès d’Henri de Savoie, duc de Nemours (19 février 1633) n'est pas assez détaillé pour que l'on puisse vérifier cette information, mais il est probable qu'une bonne partie des livres possédés par Du Choul ait rejoint cette bibliothèque parisienne versée dans les antiquités et les dessins d'architecture.

Il avait du réunir, dès 1537 au moins, une documentation abondante. Les livres illustrés exploités par Du Choul sont dans l'ordre chronologique, le Vitruve de fra Giocondo (1511), les Illustrium imagines de Fulvio (1517), les Epigrammata de 1521, le Vitruve de Cesariano (1521), le Simulachrum de Fabio Calvo (1532), les Inscriptiones d'Apianus (1534), l'abrégé du De re navali de Baïf (1537).

Son œuvre eut un grand succès jusqu’au XVIIème siècle. Les ré-éditions sont nombreuses et facile à trouver sur le marché.

Fig 14 Le dessin de Pierre Cruche est une chef-d’œuvre du genre.


Bonne Journée
Textor

Sources :
Ce billet a largement puisé dans l’excellente thèse de Jean Guillemain (2002) « Recherches sur l'antiquaire lyonnais Guillaume du Choul (ca. 1496-1560) ».

(1) A noter que l’édition originale des Bains et de la Castramétation est communément datée de 1555, mais qu’une librairie américaine proposait, il y a quelques années, une édition (pré originale ?) datée de 1554. “Extremely rare first edition with title-page dated 1554. Unrecorded First Edition of this Classic Military History. OCLC also has listed the earliest edition as 1555. As does the British Library and every other reference work available. The title-page includes Du Choul’s work on the religion of the Romans (De la Religion), which was planned as part of the 1555 edition, but was not published until 1556.”

lundi 11 octobre 2010

Un joli petit manuscrit fin XIXe, calligraphié et enluminé, à la gloire de Vercingétorix.



Ce soir, c'est Olivier qui permet au Bibliomane moderne de survivre durant cette période de vache maigre bibliomaniaque ... Voici ce qu'il nous écrit :

"Bonjour Bertrand, Je voulais soumettre ce petit livre à la sagacité des lecteurs et alimenter ainsi votre blog que vous délaissez pour d’excellentes raisons. Le livre m’a paru de circonstance dans la mesure où il est à la gloire de Vercingétorix votre voisin en quelque sorte. Voici donc un petit volume au format in-8. La reliure (non signée) est sobre mais de belle facture. Elle recouvre un court (33 pages) texte entièrement calligraphié, dessiné, et rehaussé. La qualité des dessins me laisse penser que ce n’est pas un quidam qui l’a réalisé. Reste que je me demande de quoi il s’agit. Il n’y a pas d’indication d’auteur, ni de possesseur (des traces de cachet sur une des gardes), ni de « réalisateur ». Bref, à quoi pouvait servir, quel était le but de ce genre de petits textes que l’on souhaitait visiblement mettre en valeur. Seule indication dont je dispose, le texte fleure bon le dernier tiers du 19ème siècle : exaltation au patriotisme et mention de l’arrivée récente du chemin de fer et du télégraphe. Bref si quelqu’un peut éclairer ma lanterne… Bonne soirée Évidemment s'il manque des informations, je suis (parfois) disponible. Olivier"


Si vous avez des pistes ?

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 8 octobre 2010

Le bibliomane moderne se met en sommeil pour quelques semaines...



Chers amis,

des impératifs ne me permettent pas de publier comme je voudrais sur les sujets que je voudrais depuis ces derniers jours et encore pour les deux ou trois semaines à venir. Je prépare un nid...

Je serais cependant ravis de publier les articles que vous voudrez bien m'envoyer à bertrand.bibliomane@gmail.com

A bientôt,
Bertrand Bibliomane moderne

dimanche 3 octobre 2010

Une brève histoire des manuels Roret : Le manuel du relieur en première édition (1827).



Nicolas Edme Roret nait à Vendeuvre-sur-Barse le 29 mai 1797, il est le fils de Pierre Roret et d'Anne Charigaut. Son père était menuisier et son grand-père paternel simple manouvrier, son arrière grand-père simple laboureur. Si l'on remonte la lignée paternelle, on trouve un certain Didier Roret, vers 1650-1670, procureur d'office en la justice de Jorquenay. De la lignée paternelle on ne sait rien de plus ancien. La patronyme Roret semble originaire du petit village de Corlée en Haute-Marne, près de Langres. Corlée et Vendeuvre-sur-Barse sont distants d'une centaine de kilomètres seulement. La famille n'a donc que très peu bougé entre le milieu du XVIIe siècle et la fin du XVIIIe siècle. Du côté de la lignée maternelle, les Charigaut, le père de sa mère, décédé en 1788, était sabotier. Les origines sociales de Nicolas Edmé Roret sont plus que modestes.

Ainsi Nicolas Edme Roret est le premier de la famille a exercé le métier de libraire et éditeur. "C’est à la fin de ses études que Nicolas Edme vînt à Paris – fin 1813 – pour commencer son apprentissage en librairie, d’abord à priori chez son beau-frère M.FERRA et ce environ deux ans, puis au Palais Royal dans une librairie de la galerie du bois puis enfin chez Arthus Bertrand jusqu’en 1821. C’est durant cette période que Nicolas Edme ressentit la nécessité de créer une édition bon marché d’ouvrages d’informations pratiques touchant tous les métiers." (extrait D’après l’histoire des manuels Roret écrite par Francis RORET, arrière-petit fils du fondateur de la librairie, dans Bibliographie des Manuels Roret, par Bruno Fieux, 2008). Nicolas Edme Roret fut breveté libraire - taille-doucier - le 21 juin 1820, (brevet n° 1419). Je reprendrai ici l'historique issu de bonnes sources bibliographiques exposé dans l'encyclopédie en ligne Wikipédia, qui indique :

"En 1822, fort de son expérience et de son brevet de libraire, il s’installe à son compte comme éditeur. Il recherche de nouvelles formules, tout en poursuivant les éditions appartenant au fonds de son cousin Pierre Deterville, libraire, 8 rue d'Hautefeuille, qui détenait d’intéressants textes d'histoire naturelle dont ceux de Buffon (1707-1788), Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) ou Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Il s'engage dans la production des Suites à Buffon (rééditée parfois sous le titre des Nouvelles Suites à Buffon) auxquels participent des naturalistes comme Pierre André Latreille (1762-1833), Charles-Nicolas-Sigisbert Sonnini de Manoncourt (1751-1812), Charles-François Brisseau de Mirbel (1776-1854), Louis-Augustin Bosc d'Antic (1759-1828) ou René Richard Louis Castel (1758-1832). Il édita, de plus, quelques grands auteurs mais surtout, il entreprit de lancer la « Collection encyclopédique Roret »: regroupant des manuels qui se voulaient pratiques et destinés à la vulgarisation des sciences, des bonnes manières, des arts et métiers, etc… l’Encyclopédie Roret” plus connue sous le nom de “Manuels Roret” regroupa plus de 300 volumes (environ), un par sujet, traitant de l'histoire et de la pratique des métiers les plus divers, t. q. astronome ou garde national, équarrisseur ou sorcier... Pour cela, il fit appel à de nombreux professionnels de l'époque. S'agissant des « Manuels », Roret, au format poche (in 16° ou in 18° = 15 x 9,5 cm), le succès, qui répondait aux besoins du public, fut immédiat, il y eut de multiples rééditions et de nombreuses traductions. Chaque ouvrage regroupait le savoir jugé utile sur le sujet avec nombre d'illustrations et détails techniques, de plus souvent un atlas ou des planches dépliantes illustrées. Le succès populaire de cette encyclopédie dont personne n’avait encore eu l’idée (acheter sans souscription, au catalogue, un par un les volumes qui vous intéressaient le plus), fut indiscutable et se prolongea jusque vers 1900. A cette date, la maison d’édition disparut pour être rachetée par l'éditeur parisien L. Mulo (lui-même fut racheté par Edgar Malfère éd. à Paris après 1918). Ils continuèrent tous deux à publier les « manuels ». Mais Nicolas Roret fonda aussi deux journaux célèbres au XIXe siècle : “La Maison Rustique” et “L' Agriculture Française” et publia aussi de grands auteurs, tels George Sand ou Sade. Il habita à Savigny-sur-Orge, chez son beau-père, le fondeur Launay, dans les anciennes dépendances du domaine de Courterente connues depuis sous le nom de “Maison Roret”. Il y est inhumé au cimetière de la Martinière. A son décès le 18 juin 1860, il fut remplacé par son fils, Edme Roret, breveté libraire le 17 mai 1852 (n° 2674), et également taille-doucier.

Edme Roret était né à Paris le 22 septembre 1834. Sa mère, Marie Augustine Launay, était la fille d'un ingénieur originaire d'Avranches dans la Manche. Edme Roret mourut à Paris le 24 juillet 1894. Il avait eu 6 enfants. Nicolas Edme, le père fondateur, meurt à Paris le 18 juin 1860. Une bonne part de la généalogie complète de la famille des libraires Roret (ascendance et descendance) est disponible en ligne sur le site www.geneanet.org (source de ces informations).


Venons-en à ce qui nous réunit ici : les livres. Et plus précisément aujourd'hui, un petit coup de projecteur sur les célèbres manuels Roret. Ces manuels, encore prisés aujourd'hui et réédités presque sans cesse depuis les premières éditions jusqu'au milieu du XXe siècle et encore plus récemment, sont une mine d'informations pratiques traitant de tous les métiers de toutes sortes.

Il y a quelques temps j'ai eu la chance de mettre la main sur la première édition (rare) du Manuel du relieur (voir photographie de la page de titre). Parue en 1827, ce manuel est dédié par L. Sébastien Le Normand à monsieur Berthe aîné, relieur à Parie, rue Hautefeuille, n°10. On notera que M. Berthe et la librairie Roret sont tous deux dans la même rue de Paris. Ce manuel se compose d'un feuillet d'annonces placé devant le titre (explications sur la collection de manuels formant une encyclopédie des sciences et des arts), après les XII pages comprenant le titre, la lettre à M. Berthe et la préface, commence le manuel sur 344 pages. On trouve à la fin les deux grandes planches dépliantes montrant au total 60 figures (plaques, fers, outils du relieur, etc.). Outre un errata, on lit imprimé à la fin que le volume sort de l'imprimerie de Crapelet, rue de Vaugirard, n°9. Vous savez presque tout ! Ce petit volume in-18 (14,5 x 8,5 cm) est relié demi-veau brun avec sur les plats un papier à la colle qui imite le veau raciné. Les tranches du volume sont jaune citron. Le volume est encore solidement relié mais la reliure présente quelques usures en bas du dos avec manque de cuir. Par ailleurs je dois signaler que pour un manuel du relieur... celui-ci a été fort mal relié à l'époque. Il a été pour ainsi dire massacré au niveau des marges qui sont courtes, très courtes, avec des feuillets coupés en biais... bref, un véritable contre exemple de tous les préceptes énoncés à l'intérieur même du volume !


Voilà, je vous montre quelques détails des deux planches reliées à la fin et qui montre bien la période étudiée : la reliure romantique à la Thouvenin, à la Simier, etc. Voyez les plaques qui y sont montrées. Je ne vais pas faire le résumé de tout ce qui est exposé à l'intérieur. Je dirais seulement que ce petit livre est une mine d'information pour les curieux des pratiques de la reliure dans la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit de la première édition. Les suivantes (que je ne possède pas pour le moment) doivent montrer les progrès de cet art au fil du siècle. Les posséder tous me parait un challenge pour le moins indispensable !


Nous avons pu repérer une seconde édition de ce manuel du relieur dès 1831 (286 pages). Nous avons même retrouvé l'exemplaire qui a appartenu à Pierre Berès (libaire qu'on ne présente plus ici) et à Léon Gruel (célèbre relieur de la deuxième moitié du XIXe siècle, aussi collectionneur de livres sur la reliure et la bibliophilie). En vente actuellement chez un libraire pour un peu plus de 400 euros. On trouve ensuite une réédition de 1853, 1879, 1907, 1921, 1923, etc. Comme tous les manuels de cette collection, de véritables succès de librairie ! Je n'ai trouvé aucun exemplaire de cette première édition de 1827 actuellement à la vente sur les sites de librairie en ligne, ce qui me laisse à penser qu'il ne doit pas être très facile à rencontrer. La BNF et la Mazarine semblent les seules bibliothèques publiques référencées au Catalogue Collectif des Bibliothèques de France (CCfr) à en posséder un ou plusieurs exemplaires.

Possédez-vous une édition de ce manuel du relieur par Le Normand chez Roret ? Si oui laquelle ? Pouvez-vous succinctement nous la décrire ?

Quant à la Bibliographie des manuels Roret par Bruno Fieux, ingénieur, parue en 2008, je ne vous donnerai pas mon avis ici. Je l'ai donné de vive voix à notre ami Jean-Paul au Grand Palais ce printemps, je n'ai pas changé d'avis depuis.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

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