dimanche 12 juin 2011

Ou comment modérer les ardeurs d'un confrère en bibliophilie qui fait un peu trop le coq ! Un cartonnage romantique sur les Oeuvres de Béranger (1857)



Bon alors je préviens, il faudra lire ce billet avec toute la distanciation nécessaire et utile à tout bibliophile, chevronné expert comme débutant un peu niais. Hommes et femmes dépourvus d'une once d'humour à vif, tournez cette page !

Il faut que je vous le dise, il n'y a sans doute pas pire ego surdimensionné que celui du bibliophile en rut, entendez du bibliophile en chasse, je veux dire du bibliophile qui a faim ! Et quand vous lisez, au détour d'un blog ami [Cartonnages romantiques : Typologie des Fers ornant les Cartonnages Romantiques percaline ou chagrin, période 1840-1865. Numérotation bibliographique. http://cartonnagesromantiques.blogspot.com/ - pour ne pas le citer ! ...], que votre ennemi en bibliopolis, je veux dire celui-là même qui est sensé vous chiper tout ce qui vous plairait potentiellement, pile sous votre nez, vient de vaincre, alors là ! Votre sang de prédateur es bibliophilie ne fait qu'un tour, bouillonne et vous renvoie à vos instincts les plus primaires. Or, je dis bien or donc, comme je n'ai ni soubrette sous la main sur l'instant, ni même quelque substances illicites pouvant calmer instantanément le stress imposé par l'exercice, je ne vois que la solution du Talion : Œil pour œil, dent pour dent !


Mais suivez-moi donc d'un peu plus près. Notre ami Bernard M. se vante sur son blog, sans aucune retenue, de ses "affaires du jour", en étalant, sans ménagement pour les bibliocardiaques, quelques belles affaires (on devrait dire rapines...), réalisées ce matin sur un champ de foire. Acheter du livre au kilo ! Ah la belle affaire ! Peut-on ? Doit-on en être fier ? En faire état comme d'une victoire napoléonienne sur les armées d'Italie ? ... Mesdames, Messieurs, je vous laisse juge. La postérité vous regarde. Soyez intransigeant ! Ne laissez pas l'égotisme s'installer en Bibliopolis ! Car sinon, qui sait où nous irons bientôt !

Bref, je vais de ce pas rétablir la balance de la justice à son juste équilibre, et montrer qu'aux faquins chasseurs bibliophiles, il faut opposer le fin limier de Bourgogne, je veux dire, votre serviteur.


15 euros et 50 centimes, voilà ce que m'a coûté (hors frais de port), le petit volume que je vous présente ci-dessous. Ah je dois bien avouer que la barre fatidique des 10 euros à été méchamment franchie mais tout de même ... Si ce n'est pas une honte de négliger de la sorte un si grand auteur ! Le premier de son temps même ! Devant Hugo et Lamartine en popularité ! Oui Mesdames et Messieurs, je vous le dis, Pierre-Jean Béranger était une star ! Un bankable de la littérature ! un champion de la chansonnette ! Et pas seulement ! Un républicain engagé ! Un mercenaire des Lettres, bref, un héros ! Mon héros (avec Octave Uzanne bien sur).


Voici donc l'objet du délit : Œuvres complètes de P.-J. Béranger contenant les dix chansons nouvelles. Édition Elzévirienne. Paris, Perrotin, Libraire, éditeur de la méthode Wilhem, rue Fontaine-Molière, 41. 1857. Le volume sort des presses de Simon Raçon et Compagnie, rue d'Erfurth, 1. Volume presque de la catégorie des minuscules, en tous les cas petit volume mesurant 113 x 70 mm (reliure). Volume relié pleine toile anglaise noire, ou disons pleine percaline noire, avec un joli fer doré spécial sur le premier plat (fer signé LIEBHERRE), un dos orné en long de deux jolis fers rocaille, le nom de l'auteur doré au centre, le deuxième plat étant lui orné d'un joli fer à froid (feuillages entrelacés), les deux plats étant encadrés d'un jeu d'encadrement droits à froid (plaque). Les tranches du volume sont dorées, et les gardes et les doublures sont de papier glacé jaune poussin. L'impression du volume est en très petits caractères dits "elzéviriens", d'une qualité irréprochable et d'une netteté à faire pâlir un myope. Le papier utilisé est un joli papier vélin blanc satiné, ici absolument immaculé (sans rousseurs). Cette petite édition n'a rien de vraiment rare si ce n'est qu'ici l'exemplaire est à l'état de neuf absolu, je veux dire que très probablement il a été conservé pendant plus de 150 ans dans une boîte avec du coton ! Je veux dire que le volume est non seulement sans aucune usure apparente, même minime, mais aussi qu'il ne comporte aucune trace de poussières incrustées ou autres petites taches bien légitimes avec le poids des ans. Rien ! Un volume vierge ! Une vierge à conquérir pour 15.50 euros ! C'est fait ! Il n'y a pas Dame honnête sur la place de Paris qui vous donne ses charmes pour ce prix là !

Évidemment tout le monde criera au scandale, à l'assassin, à l'estropieur de veuves et autres joyeusetés qu'on aime à se lancer entre bibliophiles consentants ! Eh bien non ! Le livre était aux enchères publiques à la vue de tous ceux qui voulaient bien s'y intéresser. Il faut donc bien se faire une raison et conclure que, soit Béranger est un de ces puits sans fondements qui vous usent les poches de vos derniers centimes, soit que ce petit livre méritât bien la peine que je me suis donné de l'acquérir à vil prix sans que personne ne bronchasse (bronchâsse ?? tiens, je m’interroge sur ces conjugaisons fort inopportunes...).

Voilà qui d'Ego à Ego rétablit la balance Monsieur Bernard M, vanteur de victoires ! Egotiste primaire aux instincts grégaires (comme tous les bibliophiles d'ailleurs non ?).

Mais ce n'est pas tout, si vous souhaitez que j'enfoncât (??) encore un peu plus le clou de l'humiliation bibliopolesque, je vous dirais Monsieur M. que bientôt va arriver par transporteur spécial un album de lithographies coloriées de votre période, album qu'un gredin (un marot que dis-je, un rastaquère de vile espèce), a osé essayé de me voler sous le nez sans y parvenir ! Mais rassurez-vous, nous en reparlerons bientôt en images.

Sur ce, en espérant vous avoir fait monter le ris au nez, belle soirée à tous les amateurs et à toutes les amatrices de Béranger, que je salue bien bas (forcément).

Et toutes mes amitiés et mon respect le plus sincère à Maître et Vénérable Bernard M.
Bertrand Bibliomane moderne

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