mardi 9 septembre 2008

L'Imprimeur au bening Lecteur.



Chers amis bibliomanes, bibliophiles,

au hasard des découvertes de livres anciens, voici aujourd'hui un drôle d'avis de la part d'un imprimeur au lecteur. Cet avis est imprimé en tête d'une édition de 1607 de la Mythologie ou Explication des Fables par Noël Le Comte (Natale Conti) de la traduction de Jean de Montlyard.


C'est un plaidoyer en faveur des éditions autorisées, un réquisitoire à l'encontre des contrefaçons.

Lisez plutôt (1) :

"L'Imprimeur au bening Lecteur.

Voici renaistre (bening Lecteur) nostre Mythologie pour la quatriesme fois, augmentee de plusieurs doctes & curieuses recerches, par laquelle vous iugerez que ie continue à vous tesmoigner l'affection que ie porte à vostre contentement, proufit & delectation, comme ie feray tousiours en ce que ie conaistray pouuoit aduancer vos estudes & honestes passetemps. Ie l'ay nouuellement illustree de figures, pour delecter les yeux qu'une longue narration pourroit auoir fatiguez, & vous representer en effect par la veuë ce que l'esprit peult auoir conceu par la lecture. Si ie n'ay peu vous en representer si grand nombre que je desirois, imputez ce default aux Libraires de Roüen, qui m'ont contrainct de haster ceste edition, aduerti que ie fus qu'ils me faisoiet cest outrage de m'en contrefaire une impression (laquelle n'appartient legitimement qu'à moy) contre le Privilege authentic que i'en ay du Roy, soubs vmbre qu'il n'est pas (disent-ils) verifié au Parlemet de leur Province. Plaisantes gens ! comme si l'autorité d'une seule & generale Chancellerie resseant à Paris, se resserroit dans le ressort d'un seul Parlement de Paris : & si le Roy parlant ne devoit pas estre generalement obeï par toutes les terres de son obeissance. C'est temerité d'enfraindre licentieusement les ordonnances Royaux. c'est impudence de ne respecter aucunement le chef de la justice en ce Royaume, & ne craindre point les peines portees par les Privileges legitimement obtenus. C'est pecher contre les bonnes moeurs, ceste concurrence, pour assouvir son appetit de lucre, n'est ni belle ni honneste, & si chacun se veur émanciper comme eux, il faudra dire desormais, adieu l'observation des loix, adieu le respect de la justice, adieu l'obeïssance deuë à S. M. S'ils faisoient mieux que les autres, s'ils apportoient quelque rare diligence aux labeurs qu'ils soustrayent, à l'adventure seroient-ils aucunement excusables. Il est permis à chacun de faire son profit. Ouy, mais avec moïens honnestes & legitimes, & sans le detriment de son prochain. Il n'est pas licite à ceux que le gain affriande, de le redre sordide & de mauvaise odeur, le papier qu'ils emploient, est un papier qu'on appelle de Fatrassiers : & les Livres incorrects qu'ils publient, mescontentent extremément les Doctes. Ils l'ont imprimee de plus petits characteres, & de papier de moindre prix ; à desseing que contenant moins de feuilles, & reuenant à moins de fraiz, ils la puissent lascher à meilleur marché. Mais elle manque de maintes belles pieces inserees en la presente par-ci par-là. Et faites estat que suivant le vaut de ville, on n'a jamais bon marché [que] de mauuaise marchandise. Adieu, & favorisez en paix ma bonne volonté." (2)


Nous reviendrons dans un prochain message sur ce très bel ouvrage illustré de 71 superbes bois gravés.

B.


(1) ce feuillet est un carton avec un extrait des registres du Parlement au recto (daté du 26 janvier 1611).
(2) Cet avis au lecteur est sans doute du libraire lyonnais Paul Frelon, détenteur du privilège pour ce livre depuis le 28 juin 1597. Nous avons scrupuleusement respecté l'orthographe de l'époque.


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