jeudi 28 mai 2009

Ooooohhhh la BARBE ! ... en 1786


Voici un livre curieux qui a pour légende au frontispice :


« L’usage personnifié, vêtu des Habits de la Folie, foule aux pieds une tête antique et façonne coup de Marotte, une tête moderne. »


Pogonologie|| ou || histoire philosophique || de la barbe.|| Par M. J.A. D***.|| L'usage nous dérobe le vrai visage des choses. Montaigne|| fleuron || A Constantinople || Et se trouve a Paris || Chez Le Jay, Libraire, rue neuve des petits- || Champs, près celle de Richelieu || au Grand Corneille.|| M.DCC.LXXXVI.


1 f. + faux titre + 1 f. + frontispice + titre + 1 p. de dédicace à Monsieur B***, conseiller du roi, substitut de M. le Procureur Général au Parlement de D... + XV p. de préface + 210 pp. et errata + 1f.

Derrière M. J.A. D. [trois étoiles] se cache le sieur Jacques-Antoine Dulaure, archéologue et historien (Clermont-Ferrand, 1755- Paris, 1835), vous avez plus bas une courte biographie/bibliographie de Dulaure.

L’ouvrage est divisé en onze chapitres : De la barbe / De quelques mentons rasés / Femmes barbues / Que les longues barbes sont salutaires / Barbes postiches / Barbes dorées / Moustaches / Barbes des prêtres / Des peuples qui portent la barbe / Conclusion, et un poème de 10 pages : L’exilé à Versailles, et l’errata.


Les divers chapitres ne manquent pas de piquant, et je ne résiste pas à vous en livrer quelques phrases.

« Il est incontestable qu’une longue barbe contribue beaucoup à la santé, parce que, pendant qu’elle attire à elle les humeurs superflues qui la nourrissent, elle préserve longtemps les dents de pourriture, donne fermeté aux gencives… avantage dont sont ordinairement privés ceux qui se rasent… »

« Adrien Junius, médecin du XVIe siècle, dans son Commentaire sur le cheveu, assure que la barbe est un préservatif de plusieurs maux… »

« Toucher la barbe à quelqu’un, en couper une partie, était chez les premiers français, le gage sacré de la protection et de la confiance… »

« Un Roi du Xe siècle, mettait sa longue barbe blanche hors de sa cuirasse pour encourager les siens dans la bataille… »

« Un menton rasé fut toujours le signe de l’esclavage, de l’infamie ou de la débauche… »

« Durant la campagne de Charles XII (Roi de Suède),…il y avait un grenadier femme, ce n’était ni le courage ni la barbe qui lui manquait pour être un homme…elle fur prise et présentée devant le Tsar en 1724, sa barbe avait une aune et demie de longueur (mesure de Russie) »

« Dans le dictionnaire de Trévoux, à Paris, une femme à le visage hérissé d’une épaisse barbe, mais aussi le corps tout couvert de poils… »

« Les femmes Lombardes, avancent sur les joues les cheveux de la tempe, cela donne un petit air agaçant, fripon, cavalier, dont les femmes d’aujourd’hui sont fort jalouses… »

Il s’ensuit un avis sur le tabac : « Le tabac cause une certaine malpropreté, haleine forte, nez barbouillé, visage dégoutant, langue sèche, enivre et dérange les fonctions du cerveau, procure vomissement, énerve l’estomac, détruit la mémoire, cause des vapeurs et des vertiges… »

« Plusieurs potentats du pays d’Orient ont tressé le poil de leur menton avec des fils et des paillettes d’or… »

« On a employé les moustaches pour épouvanter l’ennemi…» (chez les Goths et les Francs.)

Tout le livre cours sur des « faits historiques » quelque peu extravagants, mais non dénués d’intérêts et en tout cas fort distrayants.

Chaque chapitre se termine par un petit fleuron ou sur de jolis culs-de lampe. (2)

Biographie de Jacques-Antoine Dulaure :

Il étudia l'architecture à Paris, puis devint ingénieur géographe. Un goût très-vif pour les recherches archéologiques lui fit entreprendre de vastes travaux sur l'histoire de la France en général et de sa province en particulier. Il publia quelques brochures piquantes sur les édifices de Paris : Lettres critiques sur la nouvelle salle des Français l'Odéon, (1782) ; Lettre sur le cirque qui se construit au Palais-Royal (1787) ; Réclamation d'un citoyen contre la nouvelle enceinte de Paris (1787), brochure curieuse et hardie qui fut poursuivie et qu'on attribua à Mirabeau, etc.

Il publia encore avant l'époque de la Révolution : Pogonologie ou Histoire philosophique de la barbe (1786), livre plein de recherches curieuses ; Singularités historiques, contenant ce que Paris et ses environs offrent de plus piquant (1788), nombreuses éditions, refondues plus tard dans les grands travaux de l'auteur ; Description des principaux lieux de la France (1788-89, 6 vol. in-12), ouvrage resté inachevé. Il faudrait citer encore d'autres écrits sur différents sujets, et dont l'abondance et la variété montrent l'étonnante fécondité des hommes du XVIIIème siècle, leur facilité d'étude et de travail.

En ce qui touche Dulaure, on lui a reproché ses opinions anticléricales et antimonarchiques. Dès le début de la Révolution, il en embrassa les principes avec ardeur et publia de nombreux ouvrages pour les défendre et les propager.

Nommé par son département député à la Convention nationale, Dulaure se rangea, dans le parti des girondins, mais ne joua d'ailleurs qu'un rôle effacé et parut rarement à la tribune. Dans le procès du roi, il vota la mort sans appel ni sursis. Il fut accusé en octobre 1793, comme fédéraliste et conspirateur. Rien de plus absurde qu'une telle accusation ; Dulaure était un homme de coterie, de faction si l'on veut, nullement un conspirateur. Dulaure parvint à s'échapper, gagna la Suisse, et fut réduit, pour vivre, à entrer, sous un nom supposé, comme dessinateur dans une manufacture du canton de Berne.

Sa proscription dura quatorze mois. Ayant décidé à quitter la carrière politique, ruiné par la faillite de son notaire, « il obtint une place dans l'administration des finances », place qu'il conserva jusqu'au retour des Bourbons.

Dulaure était avant tout un homme de lettres, un peu fourvoyé dans la politique. Il aimait les livres et passa sa vie à en acquérir et à les étudier. Il fut l'un des fondateurs de l'Académie celtique, devenue la Société des antiquaires de France. Il en reçut la présidence dans l'année 1831, et de recueils cette société d'un nombre considérable de dissertations. Outre les ouvrages cités dans le cours de cette notice, on a de lui : Des cultes qui ont précédé et amené l'idolâtrie (1805, in-8°); Des divinités génératrices ; ces deux ouvrages ont été réunis, en 1825, sous le titre d'Histoire abrégée de différents cultes (2 vol. in-8°) ; Histoire physique, civile et morale de Paris 10 vol. (in-8°), plusieurs fois réimprimée, revue et augmentée : c'est le travail capital de l'auteur et celui qui est le plus populaire ; Histoire physique, civile et morale, des environs de Paris (1825-27, 7 vol. in-8°), plusieurs fois réimprimée et qui eut, comme l'ouvrage précédent, un brillant succès de librairie : ce succès est encore loin d'être épuisé. Enfin il faudrait citer d'autres travaux historiques, spécialement relatifs à l'Auvergne, sur laquelle il avait rassemblé d'immenses matériaux. Il a laissé en manuscrit des Mémoires qui n'ont jamais été publiés. (1)

(1) : Larousse du XIX, Hoefer et Michaud pour la biographie.
(2):http://bibliomab.wordpress.com/2008/10/04/culs-de-lampe-fleurons-vignettes-ornements-du-livre-ancien/

Bonne journée,
Xavier

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